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Le chapitre de Sainte-Waudru
Le chapitre de Sainte-Waudru
L’histoire du chapitre
On ne sait rien du statut personnel autant que patrimonial auquel étaient soumises les femmes pieuses qui se sont jointes à Waudru lorsque celle-ci, dans le courant du VIIe siècle, se retira sur la butte montoise pour y fonder son ermitage. On ne parle pas encore de monastère ni de chapitre, encore moins de chanoinesses.
Ce n’est qu’au IXe siècle (en 833 exactement), dans le testament d’Anségise, abbé de Saint-Wandrille, près de Rouen, que l’on cite, parmi les nombreux légataires, le monasterium de Castri locus. Qui dit monastère, dit moniales et l’on pourrait croire que la petite congrégation montoise ait adopté à cette époque quelques règles concernant les conditions d’admission et, en tout cas, les pratiques à observer. Aurait-elle, à un moment donné, à l’instar de Nivelles, opté pour la règle de saint Benoît ? On n’a aucune certitude à cet égard. Il n’en reste pas moins que, très tôt, les autorités ecclésiastiques se sont efforcées d’imposer à ces femmes dévotes un programme de vie religieuse. Le saint abbé Anségise, cité plus haut, aurait, pense-t-on, collaboré à l’élaboration des prescriptions édictées par Louis le Pieux, en 816. C’est de l’assujettissement à ces règles (canons) que viendra la dénomination de chanoinesses (canonicæ).
C’est de l’assujettissement à des règles (canons) que vient la dénomination de chanoinesses (canonicæ). Retirées du monde, vouées en principe à la chasteté, elles étaient assujetties à l’obligation de vie commune. On sait que les chanoinesses montoises vivaient ensemble dans un espace clos (l’encloître du chapitre) et y avaient un dortoir commun occupant un côté du cloître accoté à l’église.
Les chanoinesses avaient ledroit de posséder, dans l’enceinte du monastère, une habitation personnelle. Sans être astreintes, à proprement parler, à prononcer des vœux spécifiques, elles étaient tenues à certaines pratiques…
La vie du chapitre
Il semble que les chanoinesses de Sainte-Waudru aient été très tôt régies par un ensemble de prescriptions, concernant leur mode de vie et leurs obligations religieuses. Retirées du monde, vouées en principe à la chasteté, elles étaient assujetties à l’obligation de vie commune. On sait – les archives en témoigneront – que les chanoinesses montoises vivaient ensemble dans un espace clos (l’encloître du chapitre) et y avaient un dortoir commun. Celui-ci occupait un côté du cloître accoté à l’église.
Les chanoinesses avaient néanmoins le droit de posséder, dans l’enceinte du monastère, une habitation personnelle. Sans être astreintes, à proprement parler, à prononcer des vœux spécifiques, elles étaient tenues à certaines pratiques. Servantes de Dieu, elles devaient notamment assister en habit religieux aux offices dans l’église capitulaire. Cette dernière obligation, comme, d’une manière générale, l’exercice de toutes les pratiques cultuelles, postulait à la fois un lieu ainsi qu’un certain nombre de prêtres affectés à l’exercice du culte. On sait que, dès l’origine, un sanctuaire a été établi sur la butte, auquel devaient succéder une église romane et, au XVe siècle, la collégiale gothique que l’on admire de nos jours. Le culte était assuré au départ par les chanoines de Saint-Pierre, oratoire modeste situé au nord, entre la collégiale et la basse-cour du château comtal. Assez rapidement, la fonction sera dévolue aux chanoines de l’église toute proche, dite de Saint-Germain.
L’évolution du chapitre
L’institution capitulaire qui s’est greffée sur l’établissement fondé par Waudru a, comme les constructions, sensiblement évolué au cours du temps. Le chapitre, en tant qu’institution, s’est peu à peu sécularisé, la sécularisation étant acquise définitivement dès les XIIe-XIIIe siècles.
Cette évolution est, pour une part, la conséquence, et cela, dès le Xe siècle, de la mainmise du pouvoir civil sur les monastères. Ceux-ci avaient, pour la plupart, été créés dès le VIIe siècle par l’aristocratie qui les avait dotés d’un important patrimoine. Mais, dès le Xe siècle, les autorités civiles, comtes locaux aussi bien que souverains, s’efforcèrent de récupérer ces formidables richesses matérielles. Au Traité de Meersen (870), les successeurs de Charlemagne se répartiront les abbayes dites royales disséminées sur leurs terres. Le monastère de Mons ne figure pas sur la liste. Il n’empêche que les comtes de Hainaut se sont arrogé ou se sont vu conférer le titre et la qualité d’abbé laïc et de haut avoué de l’institution montoise.
On notera que les successeurs des comtes, les souverains des Pays-Bas, tels Charles Quint et les archiducs Albert et Isabelle, continueront à se prévaloir de ce titre et prêteront serment en cette qualité. On comprend dès lors que le vitrail surmontant l’autel principal de la collégiale gothique porte les armoiries de Charles Quint.
Du point de vue religieux, la communauté restait soumise à l’autorité disciplinaire, sinon de l’abbesse (la qualification s’estompe rapidement), du moins des doyennes qui constituaient le collège des quatre aînées.
Les revenus du chapitre
La mense abbatiale, si l’on en croit la chronique du temps, aurait été du tiers des revenus. Le patrimoine temporel du chapitre n’était certes pas comparable à celui des grandes abbayes du pays. Il n’en était pas moins considérable et provenait, pour l’essentiel, de la donation initiale venant de la fondatrice Waudru et de sa famille, à savoir les » villas » de Nimy, Quévy, Quaregnon, Jemappes, Waudrez, Ville-sur-Haine, auxquelles s’adjoindront de nombreuses donations ultérieures comme Hal, Hofstade et, dans l’extrême nord, Herentals. Les possessions du chapitre en terres, prés, bois, cens, dîmes, droits d’autelage et autres étaient dispersées dans une cinquantaine de localités. L’ensemble de ces biens constituait un tout indivisible.
De la masse des revenus réservés à l’institution, chacune des chanoinesses recevait une certaine part à titre de prébende, dont le montant était déterminé par le chapitre. A une certaine époque, au cours du XVIIe siècle, il fut décidé que le montant de la prébende serait réduit pour faire face aux charges entraînées par l’édification de la collégiale.
On conçoit que le nombre des bénéficiaires était lié à l’importance des revenus à répartir. A Mons, par exemple, le nombre des chanoinesses était limité à trente, auxquelles il faut adjoindre dix chanoines (à ne pas confondre avec ceux de Saint-Germain) affectés à diverses charges administratives. On imagine que les candidats se pressaient pour être admis au nombre des bénéficiaires. On ne s’étonnera guère que le comte-abbé, qui se réservait le droit de conférer les dites prébendes, soit intervenu à diverses reprises pour définir les conditions d’admission au chapitre. C’est ainsi qu’en 1214, le comte Ferrand de Portugal et son épouse, Jeanne de Constantinople, devaient stipuler que les prébendes ne seraient conférées par eux et leurs successeurs qu’à des filles de chevaliers nées légitimement. Si cette charte ne constitue pas l’acte de naissance du chapitre noble de Sainte-Waudru, elle nous apporte en tout cas, la confirmation de la sécularisation du chapitre montois.
En 1769, Marie-Thérèse, en sa qualité d’abbesse, devait renforcer encore ce caractère de l’institution en décrétant que ne pourraient être admises dans les chapitres nobles des Pays-Bas que les seules » demoiselles » qui pourraient faire la preuve qu’elles étaient issues de seize quartiers de noblesse et non plus de huit comme auparavant.
Mais la sécularisation du chapitre montois n’est pas uniquement liée à l’ingérence du pouvoir civil, notamment dans les conditions d’admission. C’est aussi la marque d’une répugnance des membres des chapitres nobles à se soumettre, à l’instar des moniales, à l’observance de règles trop rigoureuses.
On est loin du temps où le pape Lucien III, dans une bulle de 1182, confirmant les possessions du chapitre montois, exprimait son désir de voir ce dernier se conformer à la règle de saint Augustin.
Cette résistance à l’adoption de règles trop contraignantes se marque en différents domaines.
Les règles du chapitre
Pas question du vœu de pauvreté ! Le chapitre noble est une institution qui assure aux postulantes un revenu non négligeable. L’admission au nombre des bénéficiaires n’implique pas que celles-ci renoncent à leurs possessions. On constate que plusieurs d’entre elles légueront leurs biens au chapitre à leur décès.
Pas d’obligation non plus de chasteté perpétuelle. A l’origine, la qualité de chanoinesse n’était reconnue qu’aux vierges et aux veuves ou encore, à celles qui, comme Waudru, renonçaient à tout commerce avec leur mari. On s’aperçoit cependant que dans les chapitres nobles, il ne leur était pas interdit de convoler en justes noces. De ce fait, elles s’excluaient de la communauté et perdaient, cela se conçoit, leur droit de prébende.
Dans le courant du XVe siècle, sur les cent vingt-trois vacances constatées dans la composition du chapitre montois, pas moins de vingt-sept le furent pour cause de mariage de la titulaire, contre soixante-huit par suite de décès.
Une autre cause du relâchement dans la stricte observance des règles tient à l’âge d’admission. Avant que Joseph II n’interdît l’accession au statut de chanoinesse avant l’âge de dix-huit ans, bon nombre de demoiselles étaient intronisées » dans leur prime jeunesse, parfois dès l’âge de huit ans, ou même plus tôt. On a gardé le souvenir de la réception d’Elisabeth de Lalaing, en 1429, à l’âge de vingt-deux mois « environ ». L’âge précoce d’admission n’allait pas sans problèmes. Comment concilier avec l’obligation de résidence le jeune âge de la récipiendaire ? Celle-ci était tentée de rester dans sa famille. Aussi avait-on prévu de confier ces » écolières » à des chanoinesses plus âgées qui devaient s’occuper » de les nourrir, de leur apprendre leur office et les instruire en bonnes mœurs « . La moitié de la prébende était versée à la gardienne pour assurer le vivre, un quart pour « le vêtir et l’estoffe », le dernier quart restant à l’église jusqu’à ce que la jeune chanoinesse eût atteint l’âge de douze ans.
L’obligation de résidence dans l’enclos du chapitre devait d’une manière générale subir de graves entorses. Issues de la noblesse et menant au départ, avec leurs parents et amis, la vie de château, les chanoinesses s’absentaient souvent du monastère. Si bien que les dames aînées qui dirigeaient l’institution s’efforcèrent d’y mettre bon ordre.
Avant que Joseph II, le réformateur, à la fin du XVIIIe siècle, leur reconnût le droit de s’absenter au maximum quatre mois par an, un règlement de 1545, confirmé par l’empereur Charles Quint, privait d’une partie plus ou moins considérable de leur prébende, les demoiselles qui s’absentaient de l’église quand bon leur semblait, pour un long espace de temps.
D’autre part,les chanoinesses étaient tenues d’assister aux offices dans l’église capitulaire. Celles qui s’absentaient, ou simplement arrivaient en retard aux offices, perdaient tout ou partie du droit aux « distributions » quotidiennes dont nous ne connaissons pas bien la nature.
Quant à leur habillement, les chanoinesses n’étaient pas astreintes à porter hors de l’église, un vêtement religieux. Seulement, lors de l’assistance aux offices, elles étaient obligées de revêtir un costume de chœur par-dessus leur habit mondain. Ce costume a varié au fil du temps. On peut s’en faire une idée lorsqu’on voit ces demoiselles défiler lors de la procession annuelle des reliques de leur fondatrice. Dans les dernières années de l’Ancien Régime, les chanoinesses menaient une vie fort mondaine : elles avaient coutume d’assister notamment aux bals de la noblesse et aux redoutes. Tout au plus étaient-elles astreintes à porter en ville, par-dessus leur vêtement, un ruban auquel pendait un médaillon en or à l’image de sainte Waudru et de ses filles.
Ces demoiselles furent fort contrites lorsque l’empereur sacristain les priva de leurs vêtements somptueux, les obligeant à ne porter qu’un simple habit noir.
Aussi furent-elles bien heureuses, lorsqu’en décembre 1789, le comité général de la province les autorisa à reprendre leurs habits de chœur ainsi que leurs chants. Pour peu de temps, hélas ! En effet, lors de l’annexion de la Belgique par la France révolutionnaire, en 1795, le chapitre allait être supprimé et ses biens vendus à l’encan.
On tentera vainement, au début du XIX siècle, de faire revivre l’institution, mais la principale cause de l’échec de cette restauration est le fait qu’il n’était plus possible de reconstituer le patrimoine de ces chapitres nobles passé en d’autres mains.
Telle fut la destinée d’une institution qui était devenue, au cours des temps et du fait de sa sécularisation, un havre doré d’hébergement et d’éducation pour demoiselles de noble extraction, dans l’attente, pour bon nombre d’entre elles, d’un éventuel époux.
Jean dupont
Les armoiries du chapitre
Le comte de Hainaut (de la famille d’Avesnes) avait choisi de colorer son bouclier (écu) en jaune (or) et de l’orner de trois chevrons noirs (sable) soit trois lignes brisées pointées vers le haut. Ses armes allaient bien vite devenir celles du chapitre.
Le blason du chapitre, dont la fondation est attribuée à une femme, est comme il se doit en losange. Comme le comte de Hainaut est l’abbé laïc du chapitre noble, le blason est d’or (jaune) à trois chevrons de sable (noir), devant une crosse abbatiale et surmonté d’une couronne comtale.
Ainsi, d’un simple coup d’œil, peut-on percevoir la personnalité de l’institution capitulaire.
Ce blason ne changera plus, sauf à être associé occasionnellement, à celui de Saint-Vincent, de Soignies, ou complété par l’ajout d’un motif en coeur ou en abîme lorsqu’il est re pris comme armoiries d’une paroisse, d’un village ou d’une institution liée au chapitre.
Le blason du chapitre est aussi celui de la paroisse Sainte-Waudru dont le lieu de culte est la collégiale gothique héritée des chanoinesses
NB : Par suite d’évolution de la mode héraldique et des mariages, les armes du comté de Hainaut (ensemble de terres auquel sont liés des droits et privilèges pour le possesseur mais aussi pour ses sujets) vont se compliquer de celles du comte de Flandre (d’or, au lion de sable, armé et lampassé de gueule : jaune, au lion noir, aux griffes et à la langue rouges) et du lion zélandais (d’or, au lion de gueule, armé et lampassé d’azur). L’écu est surmonté d’une couronne comtale. Ce blason hennuyer est un écartelé (divisé en quatre parties, verticalement et horizontalement). En poursuivant ce modèle d’insertion des données dans un même blason, on en est arrivé, en Angleterre ou en Espagne, à créer des blasons, difficilement lisibles, comportant une cinquantaine de quartiers
Hervé Lottin
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