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À sa mort, à la fin du 7e siècle, Waudru a probablement été enterrée selon les habitudes de l’époque. Le lieu où était déposé son corps a fait l’objet d’une attention particulière. C’est ainsi qu’au fil du temps les reliques (depuis environ le 11e siècle, elle est sainte et ses ossements sont des reliques) de Waudru, patronne de Mons, ont été transmises de génération en génération.
On sait qu’en 1157, ses restes sont entourés d’un nouveau linceul, ouvert lui-même en 1250 pour en retirer le crâne. En effet, en 1250 Marguerite de Constantinople offre un reliquaire pour le chef de sainte Waudru. Il s’agit d’un petit reliquaire facile à porter en procession et que l’on sait rendre aisément proche de la population.
Au début du 14e siècle, en 1313, les chanoinesses procèdent à la translation des reliques du corps de Waudru dans une châsse d’orfèvrerie. Cette dernière abritera les restes du corps de sainte Waudru jusqu’à la fin du 18e siècle quand les troupes françaises s’en empareront.
Les reliques, grâce aux chanoinesses, seront mises en sureté (1794-1803) en raison des troubles révolutionnaires. Les restes du corps, dans leur cercueil (un simple coffre de chêne retiré de la châsse avant que les troupes françaises ne s’en emparent) seront déposés en Allemagne, à Ratingen pendant que le chef (dans une « boîte en carton » et avec quelques reliques de sainte Aye) sera précieusement conservé à Liège, dans la chapelle de Mme d’Argenteau, belle-sœur d’une chanoinesse montoise.
En 1803, à la demande des administrateurs de la collégiale Sainte-Waudru, les quelques chanoinesses contactées donneront à la collégiale l’entièreté des reliques de sainte Waudru, leur patronne et celle de la ville de Mons ; reliques dont elles étaient les uniques propriétaires.
En 1804, le 12 août, les reliques seront solennellement réinstallées dans la collégiale et déposées dans deux reliquaires « provisoires » en bois doré et peint. La jeune paroisse (érigée le 16 octobre 1803) n’avait pas les moyens financiers de faire réaliser alors des reliquaires plus précieux.
Ainsi, le 12 août 1804, les nouveaux reliquaires en bois du chef et du corps de sainte Waudru ont parcouru les rues de Mons ensemble sur le Car d’Or (comme cela se pratiquait déjà avec les reliquaires de 1250 et 1313), première procession avant la reprise de celle de la Trinité en 1805.
En 1867, pour fêter le doyen Descamps, un nouveau reliquaire fut réalisé par l’orfèvre Louis Joseph Armand Bourdon (Dourbes, 26 juillet 1818 – Gand, 30 décembre 1903[i]) pour y déposer le crâne de sainte Waudru. Depuis, à de rares exceptions (restauration du reliquaire ou reconnaissance des reliques), le crâne de sainte Waudru est resté dans le reliquaire néogothique affectant la forme d’un buste féminin sous un haut dais. Buste dont le visage d’argent est devenu avec le temps, dans l’imaginaire collectif montois, « le » visage de sainte Waudru. Le reliquaire en bois de 1804 quant à lui est toujours conservé porté par l’angelot qui est « en tête » du Car d’Or (alors que le reliquaire de 1867 est trop grand que pour être processionné sur le « char madame sainte Waudru »).
En 1887, c’est le chanoine Michez, doyen de Sainte-Waudru, et la Fabrique de Sainte-Waudru, avec le soutien financier de la Reine des Belges, Marie-Henriette, et de nombreux « Montois », qui feront le nécessaire pour que le corps de sainte Waudru puisse être déposé dans une châsse d’orfèvrerie. Ce sera chose faite le 17 septembre 1887. Une procession de la nouvelle châsse était alors prévue le lendemain mais elle fut reportée à la semaine suivante (dimanche 25 septembre 1887) en raison du mauvais temps du 18 septembre.
La châsse en bois de 1804 fut longtemps conservée en la collégiale, souvent sur le Car d’Or entre deux processions. Elle participera au spectacle donné au théâtre à l’occasion de la joyeuse entrée du Roi Baudouin à Mons le 17 mai 1953. Elle fut encore photographiée au milieu des années 50 et depuis … elle semble avoir disparu …
Depuis 1887, ce sont donc deux reliquaires néogothiques qui abritent les reliques de la patronne de Mons. Ils font l’objet de toutes les attentions des Montois et de leurs Chambourlettes lors de la cérémonie de la descente de la châsse et durant la semaine qui suit la procession.
Ainsi, il est de tradition de toucher la châsse à l’issue de la cérémonie de sa descente, à l’issue de la procession et la semaine suivante. Il s’agit d’une forme de piété populaire jamais démentie à Mons.
Mais si la châsse est souvent touchée à la Ducasse, prend-t-on le temps de bien l’observer ?
Elle ressemble à une église avec transept, couverte d’une toiture à double pan dont les « ardoises » (des losanges) sont timbrées de fleurs de lys stylisées.
Les pignons sont tous les deux composés de la même manière. Une grande arcade pour abriter, sous l’évocation d’une rosace, des personnages de même taille que les saints Vincent et Waudru que l’on trouve au centre des grands côtés. D’un côté est représentée une Vierge à l’Enfant, et de l’autre un Christ Sauveur.
Au centre des grands côtés, dans une « mise en scène identique à celle des pignons », c’est donc la famille de Waudru qui est mise en évidence. D’un côté Waudru et ses Filles (Aldetrude et Madelberte), de l’autre Vincent et ses Fils (Landry et Dentelin).
Chaque groupe familial est entouré de deux fois trois saints. Ainsi Waudru et ses Filles sont entourées des saints Jacques le Majeur[ii] (bâton autrefois surmonté d’une gourde), Philippe (croix sur une longue hampe), Jean (coupe de laquelle sort un serpent), Simon (longue scie), André (croix en X dite de Saint-André) et Pierre (deux clefs croisées en main). De l’autre côté, Vincent et ses Fils sont représentés au milieu des saints Paul (épée), Matthias (hache), Barthélemy (couteau), Jacques le Mineur (bâton de Foulon), Matthieu (hallebarde) et Thomas (équerre).
Il est fort probable que l’ordre des saints est le même que celui qui était peint sur la châsse en bois de 1804 qui devait elle-même « reproduire » l’iconographie de la châsse de 1313.
Et lorsque vous observerez la châsse, prenez aussi un peu de temps pour lire les deux inscriptions qui figurent au-bas des pignons. Elles sont en latin et évoquent la création du reliquaire.
Sous la représentation de la Vierge à l’Enfant : I. Wilmotte filius aurifex encanstesque Leodiensis fecit 1887 (I. Wilmotte fils orfèvre et émailleur liégeois a réalisé [cette châsse] en 1887).
Sous la représentation du Christ Sauveur : Sanctae Waldetrudi suae fundatrici obtulit Civitas Montensis anno Jubilari MDCCCLXXXVII Promoventibus canonico F. S. Michez Pastore Decano et Fabricae curatoribus (La Cité montoise a offert [cette châsse] à sa fondatrice sainte Waudru en l’année jubilaire 1887 à l’initiative du chanoine F. S. Michez curé-doyen et des membres de la Fabrique).
La date de 1887 est donc gravée à deux reprises : une fois en chiffres romains (MDCCCLXXXVII) et une fois en chiffres arabes (1887).
Et donc, c’est, bien à l’abri, depuis deux reliquaires en cuivre doré, argent et pierres précieuses ou semi-précieuses que Waudru veille sur sa ville, ses Montois et ses Chambourlettes, toute l’année et pas seulement au Doudou !
Benoît Van Caenegem
Conservateur de la collégiale Sainte-Waudru
et de son Trésor
[i] Dourbes est une commune de la province de Namur. Louis-Joseph-Armand Bourdon avait épousé Pauline Félicitée de Bruyne à Gand, le 15 septembre 1854. Il avait alors repris l’orfèvrerie, à Gand, de son beau-père.
[ii] Il n’est pas absolument certain que ce soit bien une représentation de saint Jacques le Majeur. De l’autre côté de la châsse, le saint présenté comme saint Matthias avec une hallebarde, outil de son martyre, a souvent été présenté comme saint Jacques le majeur, mais l’absence de coquille ou de point d’attache d’une gourde incite à confirmer une représentation de saint Matthias.
