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Ainsi, dans le règlement du 3 août 1545 que s’imposent les chanoinesses, on lit (texte modernisé): nous avons statué et ordonné, et par ces présentes statuons et ordonnons, pour l’avenir et à toujours, que nulles et aucunes d’entre nous demoiselles[i] ne pourront s’absenter de notre dite église chaque année, commençant dès le jour de la saint Jean Baptiste dernier, que pour le terme et l’espace de six mois de trente jour par mois, les prenant en une ou plusieurs fois, sous peine d’être privée et de perdre les fruits de sa prébende pour autant de temps et de jours qu’elles seront absentes en plus des dits six mois. Et afin qu’on n’abuse dudit statut et que notre église soit mieux servie et décorée, nous avons aussi statué et ordonné que ladite grâce de six mois qui pourra expirer à la fin de l’année, ne se pourra continuer ni recommencer sur l’année suivante, en raison qu’une telle absence ainsi continuée porterait à douze mois d’absence continue, ce que nous n’entendons accepter ni autoriser. Ainsi, nous devrons retourner en notre dite église et y séjourner un terme de trois mois continus avant que de prendre de nouveaux jours de grâce sous peine de privation et perte des fruits de la prébende pour autant de jours manquant sur les trois mois.
Ce règlement sur les absences est signé par 16 chanoinesses présentes, les 14 autres étant … « absentes ».
Les statuts du 13 septembre 1617, ratifiés le 27 suivant par les archiducs Albert et Isabelle préciseront : Personne ne pourra prendre ses six mois de suite, mais de trois en trois mois. Et entre les trois mois d’absence il y aura deux mois de présence (sauf en temps de contagion) …
Les six mois d’absence seront respectés exactement, sans les excéder d’un seul jour sous quelque prétexte que ce soit, ni pour pèlerinage, ni pour autre occasion quelconque, même évidente, sous peine de la perte d’une partie de la prébende.
Les chanoinesses ont-elles toutes respecté ces règlements ? Certaines, oui ! D’autres, pas du tout !
Elles pouvaient donc voyager, hors de Mons, 6 mois par an (en une ou plusieurs fois selon les règlements), et ne pouvaient dépasser ce délai sous peine de se voir priver d’une partie substantielle de la prébende. Lors de leurs voyages « à l’étranger », elles se rendaient souvent dans leur proche famille ou allaient visiter une sœur qui était elle-même chanoinesse dans un autre chapitre.
En consultant les registres des décès de la collégiale Sainte-Waudru pour les années 1760-1794 (orthographe corrigée pour les citations), on se rend compte que quelques chanoinesses (abstraction faite bien évidemment des trente qui, sans avoir quitté l’institution pour se marier, survivent à l’extinction du Chapitre en 1794) sont décédées « présentes au Chapitre » et que quelques autres, profitant sans doute des absences autorisées, sont décédées « loin du Chapitre ».
Ainsi, pour celles qui sont décédées à Mons, on peut mentionner :
- « Le 15 [novembre 1765] fut enterrée vers le onze heures et demie du matin la Dame Madame Eléonore Hipolite (sic) Charlotte de Marnix[ii] chanoinesse et seconde aînée de l’illustre chapitre de Ste Waudru » :
- Le 23 [février 1769] le 4 heures du matin est décédée la Noble Dame Madame Marie Louise Claudine d’ydeghem comtesse de Wattoux[iii] chanoinesse seconde aînée au chapitre royal de Ste Waudru, inhumée le 25 dans la chapelle de St Joseph vers le 12 heures de midi » ;
- « Le 17 [décembre 1780] vers le onze heures et demie du matin est morte la Dame Marie Thérèse d’Ulm[iv] âgée d’environ 23 ans, née à Fribourg en Briscau chanoinesse de cet illustre chapitre enterrée le 19 vers le onze heures et demie du matin dans l’église » ;
- « Le dix sept [février 1787] à cinq heures du soir fut enterrée au cimetière de cette église situé à Nimy, noble Dame Marie Nicolas comtesse de Mérode dite de Montfort[v] Dame de Rixensart, Bourgeois et Geneval, chanoinesse aînée et doyenne de l’illustre chapitre Royal de ste Waudru décédée le quinze à neuf heures et quart du soir âgée de quatre vingt huit ans environ » ;
- « Le treize [mai 1790] vers sept heures du soir fut enterrée au cimetière de cette église situé à Nimy Noble Dame Madame Marie Ange comtesse d’Argenteau[vi] chanoinesse première aînée du très noble et illustre chapitre de ste Waudru décédée le onze vers dix heures et demi du matin âgée de quatre vingt un ans environ » ;
- « Le vingt six [septembre 1791] à cinq heures du soir fut enterrée au cimetière de cette église situé à Nimy noble Dame Françoise Albertine de Bournonville marquise de Sars[vii], Dame de Lembeek Basserode etc. chanoinesse première aînée du chapitre noble et royal de ste Waudru décédée le vingt quatre vers dix heures du matin âgée de quatre vingt ans environ » ;
- « Le seize [février 1794] à quatre heures du soir fut enterrée au cimetière de cette église situé à Nimy la Dame Bonaventure Marie Françoise Barbe Walburge Quirine comtesse d’Harrach[viii] chanoinesse troisième aînée du noble et illustre chapitre de ste Waudru décédée le quatorze vers huit heures du matin âgée de soixante deux ans environ ». La chanoinesse d’Harrach est la dernière chanoinesse en fonction à mourir avant la suppression définitive du chapitre en juin 1794, et la dernière donc à être inhumée au cimetière situé à Nimy.
À ces quelques chanoinesses de Sainte-Waudru, il faut en ajouter une qui fut véritablement abbesse du chapitre : Anne-Charlotte de Lorraine. Bien que chanoinesse de Sainte-Waudru, elle ne sera pas inhumée à Mons comme le précise la mention de son décès dans le registre de Sainte-Waudru :
- « Novembre 1773 Le 7 vers le quart avant dix heures du soir est morte en cette ville Son A. R. Madame Anne Charlotte Duchesse de Lorraine. Emmenée le 8 décembre suivant pour être inhumée aux P.P. Cordeliers de Nancy lieu de la sépulture de ses ancêtres ».
En s’arrêtant aux décès des chanoinesses de Schwarzenberg, de Nasseau de Warcoing, de Salm Salm, d’Ingelheim et de Croix d’Allennes, toutes chanoinesses de Sainte-Waudru, on constate qu’elles ont achevé leur vie terrestre « loin » du chapitre montois :
- « à Vienne en Autriche » pour Marie Eléonore de Schwarzenberg[ix] le 3 mai 1786 ;
- « à Grand Douaire » pour Marie Isabelle Claire Charlotte de Nasseau de Warcoing[x] le 15 septembre 1777 ;
- « à Senonnes » (Vosges) pour la princesse Auguste de Salm Salm[xi] le 30 janvier 1775 ;
- « à Nivelles » pour Anne Constance Philippine d’Ingelheim[xii] le 10 août 1772 (avec la précision quelle était « absente depuis longtemps ») ;
- « ailleurs » (sans autre précision) pour Madame [Marie Florence de Croix dite] d’Allennes[xiii] décédée en avril 1763 (l’acte de décès est rédigé pour les vigiles et service des 4 et 5 mai et précise « morte le mois précédent »).
Si quelques « chanoinesses waldétrudiennes » mouraient parfois « à l’étranger », des chanoinesses d’autres chapitres, en visite à Mons, sont, en ce qui les concerne, décédées près du chapitre de Sainte-Waudru.
Les registres des décès de la collégiale en conservent quelques mentions, notamment pour Madame Joseph Princesse de Ligne, Madame Louise Marie Christine de Ligne et pour Léontine Adélaïde Claire Augustine Thérèse de Ghistelles :
- « La très haute, très puissante et illustre Dame Madame Joseph princesse de Ligne ci-devant prévôte du chapitre libre et impérial d’Essen» décédée à Mons le 2 janvier 1783 et « emmenée à Beloeil pour y être inhumée[xiv] » ;
- « Son Altesse Louise Marie Christine de Ligne chanoinesse de Remiremont» décédée à Mons le 26 janvier 1784 et « emmenée à Beloeil pour y être inhumée[xv] ».
- « Noble Dame Madame Léontine Adélaïde Claire Augustine Thérèse deghistelles chanoinesse première aînée du très noble et illustre chapitre de sainte Aldegonde de Maubeuge» décédée à Mons le 6 avril 1795 et « enterrée au cimetière de cette église situé à Nimy ».
Jusqu’en 1784, les inhumations des chanoinesses avaient lieu dans la collégiale, ensuite « dans le cimetière de cette église situé à Nimy ». Ce cimetière de Nimy recevait non seulement les dépouilles des chanoinesses mais également celles de tous les paroissiens de Sainte-Waudru (nobles, personnel du chapitre, personnel des nobles, hauts fonctionnaires de la ville ou échevins, les concierges des refuges d’abbayes, les « concierges » des portes de la ville, …, ainsi que les familles des paroissiens de Sainte-Waudru).
Quant aux chanoinesses qui avaient quitté le chapitre pour se marier, quelques-unes, rares, sont décédées à Mons ; la plupart sont décédées ailleurs mais certaines en souhaitant toutefois, le moment venu, être inhumées à Mons au sein de la collégiale dont elles avaient été « propriétaires en tant que chanoinesses ». Mais ce sera une autre histoire à raconter…
Benoît Van Caenegem
Conservateur de la collégiale Sainte-Waudru
et de son Trésor
[i] Elles ne porteront le titre de « Dame » qu’à partir de 1760.
[ii] Eléonore Hippolyte de Marnix fut reçue au Chapitre le 23 juin 1713 (l’empereur Charles lui avait conféré une prébende par lettres du 30 juin 1712).
[iii] Marie Louise Claudine d’ydeghem comtesse de Wattoux fut reçue au Chapitre le 14 janvier 1717.
[iv] Marie Thérèse d’Ulm fut reçue au Chapitre le 23 juin 1774 (l’impératrice Marie-Thérèse lui avait conféré une prébende par lettres du 20 février 1774).
[v] Marie Nicolas comtesse de Mérode dite de Montfort avait été pourvue d’une prébende du chapitre de Sainte-Waudru par Philippe, roi de Castille le 26 mars 1704.
[vi] Marie Ange comtesse d’Argenteau fut reçue au Chapitre le 5 juin 1716 (une prébende lui avait été conférée par mandement du 6 décembre 1715).
[vii] Françoise Albertine de Bournonville marquise de Sars fut reçue au Chapitre le 9 juillet 1718 (l’empereur Charles lui avait conféré une prébende par lettres du 29 décembre 1716).
[viii] Bonaventure Marie Françoise Barbe Walburge Quirine comtesse d’Harrach fut mise en possession de sa prébende le 23 juin 1752 (l’impératrice Marie-Thérèse la lui avait conférée par lettres du 30 janvier 1751).
[ix] Marie Eléonore de Schwaetzenberg fut mise en possession de sa prébende le 22 juin 1765 (l’impératrice Marie-Thérèse la lui avait conférée par lettres du 21 février 1764).
[x] Marie Isabelle Claire Charlotte de Nasseau de Warcoing fut pourvue d’une prébende de Sainte-Waudru par mandement du 21 mars 1715.
[xi] Auguste de Salm Salm fut reçue au Chapitre le 5 avril 1747 (Marie-Thérèse, reine de Hongrie, lui avait conféré une prébende par lettres du 19 décembre 1742).
« L’an mil sept cent septante cinq, le trente un janvier, est décédée à Senones au château, très haute et Sérénissime Dame la Princesse Auguste de Salm Salm, Duchesse d’Hoogstraten, Comtesse Sauvage de Dhaun et Kyrbourg, Comtesse du Rhin de Stein, Dame d’Anholt etc. etc. etc. après avoir été confessée, reçu le St Viatique et l’extrême onction. Le deux du mois de février son corps a été inhumé dans l’Eglise St Pierre de l’Abbaye de Senones, avec les cérémonies ordinaires en présence des Soussignés.
(sé) D. Eouchard curé de Senones ».
Archives départementales des Vosges ; Commune : Senones ; Type(s) d’acte(s) : baptême ; mariage ; sépulture. Date(s) : 1774-1775. Typologie : registre paroissial. Registre N° Edpt458-70884.
[xii] Anne Constance Philippine d’Ingelheim fut reçue au Chapitre le 22 juin 1734 (l’empereur Charles lui avait conféré une prébende par lettres du 22 novembre 1731).
[xiii] Madame [Marie Florence de Croix dite] d’Allennes fut reçue au Chapitre le 23 juin 1717. La famille étant originaire de la région de Frelinghien, la consultation du registre de décès de la paroisse confirme que Mme de Croix d’Allennes y est décédée le 10 avril 1763, avant d’être inhumée le 11 dans la commune d’Allennes sur Marais (« lieux de sépulture de ses ancêtres »). Elle était née à Lille le 20 août 1698.
« Le dix avril mil sept cent soixante trois est décédée au château des prévôtés paroisse du dit Frelinghien, dame Marie Florence Joseph de Croix d’Allennes, dame chanoinesse aînée du chapitre de Sainte Waudru à Mons administrée de tous les Sacrements de notre mère la Sainte Eglise, âgée de 61 ans, fille de haut et puissant Seigneur Alexandre François de Croix marquis d’Heuchin et de haute et puissante dame Magdeleine Françoise de Fiennes marquise du dit Heuchin dont le corps a été transporté et inhumé le lendemain onze dans l’église paroissiale d’Allennes sur Marais sépulture de ses ancêtres.
(sé) L. Cailliez Curé ».
Archives départementales du Nord, FRELINGHIEN BMS [1761-1791], en mélange – 5 Mi 039 R 063 – Lot 1 – Média 35.
[xiv] « Aujourd’hui quatre de janvier mil sept cent quatre vingt trois a été inhumée dans le caveau de ses ancêtres après avoir été transportée ici de Mons où elle est décédée le deux du dit mois très haute et très puissant Dame Marie Joséphine, princesse de Ligne, âgée de cinquante deux ans, fille du prince Claude Lamoral et de la princesse Marie Elisabeth Charlotte Félicité Alexandrine princesse de Salm, en son vivant prévôte du chapitre noble d’Essen, en présence de messire Jean-Pierre Pagès prêtre docteur en théologie de la faculté de Paris, premier aumônier de Son Altesse Monseigneur le prince de ligne. Lequel a signé avec nous.
(sé) Pagès. A. J. Du Buisson Curé de la paroisse de Beloeil ». AGATHA, archives de l’Etat en ligne, Actes de sépulture et décès Beloeil : Saint-Pierre (1719-1789).
[xv] « Aujourd’hui vingt six janvier mil sept cent quatre vingt quatre a été inhumée dans le caveau de ses ancêtres après avoir été transportée de Mons où elle est décédée le même jour très haute et très puissant Dame Louise Marie Christine, princesse de Ligne, âgée d’environ cinquante quatre ans, fille du prince Claude Lamoral et de la princesse Marie Elisabeth Charlotte Félicité Alexandrine de Salm, en présence de messire Jean-Pierre Pagès prêtre docteur en théologie de la faculté de Paris, Pr aumônier de S. A. Mgr le prince de ligne. Lequel a signé avec nous.
(sé) Pagès. A. J. Du Buisson Parochus ». AGATHA, archives de l’Etat en ligne, Actes de sépulture et décès Beloeil : Saint-Pierre (1719-1789).
