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Grâce à Marie Thérèse de Wurmbrand ! 

Les hasards de la vente en ligne nous ont permis d’acquérir un souvenir mortuaire d’une personne qui était présentée comme suit :

 « Priez pour l’âme de madame la Comtesse DE WURMBRAND, ancienne chanoinesse de Ste Waudru à Mons, décédée à Braine-le-Comte le 8 mars 1834, à l’âge de 75 ans, administrée des sacremen[t]s de notre mère la sainte Église ».

Son acte de décès est ainsi rédigé dans les registres de la ville de Braine-le-Comte :

« L’an mil huit cent trente quatre, le dix du mois de mars, à neuf heures du matin.

Par-devant nous Echevin délégué pour l’état civil de le Ville de Braine le Comte, canton de Soignies, province de Hainaut, sont comparus Messieurs  Chrysante Sussenaire[i], âgé de trente quatre ans et Ildefonce Spiltoir[ii], âgé de trente deux ans, tous deux rentiers, domiciliés à Braine le Comte, voisins de la défunte, lesquels nous ont déclaré, que le huit de ce mois à quatre heures et demie après midi, Madame Marie Thérèse Wurmbrand, ancienne chanoinesse du chapitre noble et royal de Sainte Waudru à Mons, âgée de soixante quinze ans, née à Gratz en Styrie, province de l’empire d’Autriche, domiciliée à Braine le Comte, fille de … et de …[iii], est décédée dans la maison curiale de cette ville, section A, N° 116 ; et ont les déclarants signé avec nous le présent acte de décès, après que lecture leur en a été faite

(sé) Sussenaire   Spiltoir

                          … Dubois[iv] »

Marie Thérèse de Wurmbrand était née en Autriche et avait été baptisée le 23 janvier 1759 à Gratz, en la paroisse du Saint-Sang.

Ses parents étaient : Gundacker Thomas comte de Wurmbrand et Stuppach, et Marie Antoinette von Auersperg comme cela apparaît clairement dans l’acte de baptême rédigé le 23 janvier 1759 à Gratz, en la paroisse du Saint-Sang. Le même acte précise qu’elle est née le 22.

Le 18 juin 1772, l’impératrice Marie-Thérèse signe les lettres d’octroi de la prébende de Sainte-Waudru vacante, par le mariage de la princesse Louise de Stolberg, en faveur de Marie-Thérèse de Wurmbrand avec le soutien d’Anne Charlotte de Lorraine, abbesse de Sainte-Waudru de 1754 à 1773 :

« Marie Thérèse … A vénérables nos chères et bien aimées les Dames Chanoinesses de l’Eglise Collégiale de Ste Waudru à Mons en notre Province et Comté de Hainaut, Salut et Dilection ; la chanoinie et prébende, qu’a possédée en la même Eglise la chanoinesse Louise Princesse de Stolberg étant vacante par son mariage, et par conséquent à Notre Collation et Disposition, à raison de Notre Droit de Patronage ; Savoir vous faisons, que Nous l’avons, de l’avis de la Sérénissime Princesse Charlotte de Lorraine et de Bar[v], Notre très chère et très aimée Belle Sœur et Cousine, Notre représentante en qualité d’Abbesse séculière, Patronne et Protectrice de votre Chapitre, et ouï Notre Chancelier de Cour et d’Etat, donnée et conférée, la donnons et la conférons par les présentes à la Dlle Marie Thérèse Comtesse de Wurmbrand Stuppach … »[vi].

Le 6 juin 1774, le duc de Lorraine ordonne au chapitre de Sainte-Sainte-Waudru, de la part de l’impératrice, de recevoir avec les cérémonies d’usage Marie-Thérèse de Wurmbrand en tant que chanoinesse. La réception officielle de la chanoinesse prendra place le 23 juin 1774. C’est le prince de Ligne qui prêtera serment en son nom.

Elle vivra l’extinction du chapitre, devra, comme ses consœurs, s’exiler puis s’installera à Braine-le-Comte où, si elle fréquentait l’église Saint-Géry, elle pouvait voir un jubé à l’entrée du chœur qui devait lui évoquer celui que Du Broeucq avait imaginé pour la collégiale Sainte-Waudru.

Il faut noter qu’elle avait gardé, après le Concordat et la création de la paroisse Sainte-Waudru par Mgr Hirn, quelques contacts avec Mons. En effet, on la retrouve, entre autres, consœur de Notre-Dame de Tongre (entrée le 14 septembre 1777, elle paye encore ses cotisations de 1808 à 1819) et consœur de Notre-Dame d’Alsemberg (entrée le 13 février 1803 comme « chanoinesse de Ste Waudru[vii] ») en la collégiale Sainte-Waudru ; et consœur de Notre-Dame de Montserrat en l’église Saint-Nicolas (elle est présentée avec une erreur orthographique dans son nom comme « Madame de Warembrand ci-devant chanoinesse du Chapitre Royal de ste Waudru demeurant à Braine Le Comte »).

Lors de son entrée au chapitre, une place était vacante par le mariage de Louise de Stolberg. Mais qui était Louise de Stolberg, « remplacée » par Marie Thérèse de Wurmbrand ?

Louise de Stolberg était née à Mons vers le 20 septembre 1752 (le jour du baptême ne correspond pas toujours au jour de la naissance).

Son acte de baptême est intégré, à titre exceptionnel, car elle n’en était pas paroissienne, dans le registre des baptêmes de la collégiale Saint-Germain.

« Extrait du Registre des Baptêmes

du Régiment du Comte

d’Arberg

Le vingt septembre mil sept cent cinquante deux, a été baptisée Louise Maximilienne Caroline Emmanuel, fille légitime de Son Altesse le Prince Gustave Adolphe de Stolberg colonel, et de Son Altesse la Princesse Elisabeth de Hornes époux et épouse. Les parrains ont été Son Altesse le Prince Maximilien Emmanuel de Hornes Chevalier de la Toison d’Or de la première classe, et Son Altesse le Prince Frédéricq Charles Prince de Stolberg. Les marraines ont été la très illustre et noble Dame Alexandrine Princesse de Croy Chanoinesse de Ste Waudru au nom de Son Altesse la Princesse Louise de Stolberg née Princesse de Nassau et Son Altesse le Princesse Albertine de Hornes née Princesse de Gavre. Est signé Quod testor P. A. Vanderchet.  Il est ainsi aud. Registre Mons le 25 7bre 1752.

  1. J. Dumont Curé de St Germ. Doyen de Mons

Cet enregistrement a été fait pour cette fois et sans conséquence pour les enfants des militaires que l’on prétendrait nous faire coucher au registre après avoir été baptisés par les aumôniers »[viii].

Quelques années plus tard, elle deviendra chanoinesse de Sainte-Waudru et donc paroissienne de Sainte-Waudru.

Le 21 décembre 1761 (notre jeune chanoinesse a un peu plus de neuf ans !), l’impératrice Marie-Thérèse lui confère la prébende du chapitre de Sainte-Waudru vacante par le mariage de la princesse Marie-Anne-Victoire de Salm (1740-1816 ; reçue au chapitre le 23 juin 1753). Sa réception « officielle » au chapitre se déroulera le 20 juin 1767, en même temps que celle de sa sœur aînée Caroline-Auguste née en 1755 (leur sœur Thérèse-Gustavienne fera partie des trente dernières chanoinesses en 1794).

Elle quittera le chapitre en 1772 pour épouser Charles Edouard Stuart (1720-1788), prétendant au trône d’Angleterre et comte d’Albany (comme il était connu durant son exil en Italie). Son mariage ne sera pas heureux et la comtesse d’Albany, alors que le couple était installé à Florence (probablement sous la protection du pape), se séparera finalement de son mari après huit années d’union.

Elle maintiendra sa résidence en Italie, à Florence, où Vittorio Alfieri (1749-1803 / poète, dramaturge, écrivain, philosophe) sera son compagnon. A la mort de ce dernier (on évoque un mariage « secret » entre Vittorio Alfiéri et Louise de Stolberg), elle sera inquiétée par le pouvoir français mais finira par recevoir une pension de l’empereur Napoléon.

Elle meurt à Florence le 29 janvier 1824 et son tombeau (restauré en 2024, « sculpteur Emilio Santarelli, sur un projet de l’architecte français Charles Percier, avec la contribution de Luigi Giovannozzi pour la décoration des ornements[ix] ») se trouve toujours en la basilique Santa Croce de Florence. Celui d’Alfiéri, inhumé dans la même église à proximité des sépultures de Michel-Ange et de Machiavel, est une œuvre réalisée au début du XIXe par Antonio Canova.

Et via le texte gravé sur son tombeau florentin, Louise de Stolberg continue de faire rayonner Mons et le Hainaut loin de la ville dont sainte Waudru est la patronne :

HIC SITA EST

ALOISIA E PRINCIPIBUS STOLBERGIIS

ALBANIAE COMITISSA

GENERE FORMA MORIBUS

INCOMPARABILI ANIMI CANDORE

PRAECLARISSIMA

HANNONIAE MONTIBUS NATA

VIXIT ANNOS LXXII MENSES IV DIES IX

OBIIT FLORENTIAE DIE XXIX MENSIS JANUARII

ANNO DOMINI M DCCC XXIV

GRATI ANIMI ET DEVOTAE REVERENTIAE

MONUMENTUM

Ainsi, au départ d’un souvenir mortuaire trouvé par hasard, il a été possible de rappeler le destin exceptionnel d’une jeune princesse, née à Mons et dont le portrait est visible dans le salon des portraits de l’hôtel de ville. Quant à la collégiale Sainte-Waudru, elle ne conserve aucun souvenir de la présence au chapitre de Louise de Stolberg, et n’en conserve pas non plus de celle qui l’a remplacée, Marie-Thérèse de Wurmbrand.

 

 

Benoît Van Caenegem

Conservateur de la collégiale Sainte-Waudru

et de son Trésor

 

[i] Chrysante Sussenaire : né à Braine-le-Comte, le 20 Nivôse an VIII (10 janvier 1800) ; décédé à Enghien, le 5 février 1861.

[ii] Ildefonce Spiltoir : né à Braine-le-Comte, le 14 brumaire an X (5 novembre 1801) ; décédé à Saint-Josse-ten-Noode, le 19 avril 1859.

[iii] Les noms des parents ne figurent pas dans l’acte original.

[iv] Archive de l’Etat en ligne (AÉl), Registre des décès de la ville de Braine-le-Comte, acte n°39 de 1834.

[v] Anne-Charlotte de Lorraine, abbesse de Sainte-Waudru, avait initialement proposé pour remplacer Louise de Stolberg la Demoiselle Marie Anne Pauline Charlotte d’Andelot (laquelle sera finalement pourvue d’une prébende le 26 octobre 1772 et reçue au Chapitre le 23 juin 1773, soit juste un an avant Marie Thérèse de Wurmbrand).

[vi] Archives Générales du Royaume, Département des Pays-Bas de la Chancellerie de Cour et d’Etat à Vienne, dossier 714, lettres du 18 juin 1772.

[vii] Les Montois semblent ne pas oublier celles qui étaient leurs chanoinesses, et même après la suppression du chapitre, le titre de chanoinesse est resté pour celle qui ont gardé des liens avec Mons.

[viii] AÉl, Mons, paroisse Saint Germain, Registres Paroissiaux. Actes de baptêmes du 01 juin 1750 au 30 juillet 1753, p. 171. https://agatha.arch.be/data/images/524/524_0697_002_01763_000/0_0335

[ix] https://www.finestresullarte.info/fr/actualites/florence-la-tombe-de-louisa-stolberg-gedern-restauree-grace-a-un-donateur-americain-amoureux-de-santa-croce