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Quand on regarde les auteurs anciens, il apparaît que le chapitre de Sainte-Waudru célébrait quatre fêtes dédiées à sa sainte patronne : le 9 avril, jour de sa naissance au ciel et sa fête principale ; le 12 août, commémoration de la séparation de la tête et du corps en 1250 [dans les documents conservés, il est dit que la séparation de la tête et du corps a eu lieu le lendemain de l’octave de saint Laurent, soit le 18 août, mais le chapitre célébrait bien la commémoration de cet acte le 12 août, pourquoi ?] ainsi que de la rentrée des reliques en 1804 en la collégiale[i] ; le 2 novembre, commémoration de sa canonisation ; le 3 février , commémorations des diverses translations de ses reliques.
C’est donc en août 1250 que le chapitre de Sainte-Waudru, probablement à la demande de la comtesse de Hainaut, Marguerite de Constantinople, a fait procéder à l’installation du chef de sainte Waudru (sa tête) dans un reliquaire distinct du lieu de conservation du reste du corps.
Mais plus de 550 ans plus tard, c’est encore en août qu’un autre évènement d’importance est à signaler. En effet, en 1803, quelques anciennes chanoinesses donnent à Mons les reliques de leur sainte Patronne qu’elles avaient mises en sureté (le chef à Liège ; le corps à Rattingen près de Düsseldorf en Allemagne).
Les reliques, en 1803-1804, reviendront vers Mons et seront reconnues par Mgr Hirn, évêque de Tournai.
Et c’est finalement le dimanche 12 août 1804 que les reliques seront déposées dans deux reliquaires en bois (probablement pensés pour être provisoires). La cérémonie de réinstallation des reliques dans la collégiale se déroulera le matin. L’après-midi, les deux reliquaires, comme c’était le cas jusqu’en 1794 avec ceux de 1250 et 1313, feront le tour de la ville de Mons portés sur le Car d’Or.
Une affiche de 1804, intitulée « SOLEMNITÉ DE LA TRANSLATION DU CORPS DE SAINTE WAUDRU, PATRONNE DE MONS » précise, avec l’orthographe de l’époque, le déroulé des cérémonies :
« Le douze, jour de la Fête, à huit heures du matin, les Saintes Reliques susdites seront, au son de toutes les cloches et du carillon, pompeusement transportées du portail au haut de la nef, vers l’entrée du chœur, où elles seront élevées sur un Char triomphal magnifiquement orné[ii].
Cette cérémonie sera immédiatement suivie d’une messe en grande musique, célébrée pontificalement par Mgr l’Evêque de Tournay, et à laquelle un sermon analogue à la Solemnité sera prononcé par M. Laveine, Curé de Braine-le-Comte.
Après la Messe, les Saintes Reliques seront portées en Procession par les rues de la Ville.
Cette Procession sera ouverte par une Cavalcade, précédée de timbales et trompettes.
Suivront d’abord, les Enfants des Maisons des Fondations, du Saint Esprit et des Orphelins, précédés de leur croix ou bannières.
Après eux, les Députés de toutes les Confréries ou Associations religieuses de la Ville.
Puis, le Clergé de toute la Ville réuni en un même chœur.
Viendra ensuite le Char de SAINTE WAUDRU, garnis d’Enfans vêtus en Anges, placés tout au tour, sur des gradins, et portant des Bannières, sur lesquelles se trouveront des emblêmes ou des inscriptions qui rappelleront les Miracles de la Sainte.
Il sera accompagné par Mrs. les Administrateurs de l’Eglise paroissiale ; et des personnes spécialement attachées à l’Eglise borderont le dehors portant des torches allumées. Une grande musique suivra.
Le Révérendissime Evêque, marchant sous un dais et accompagné de ses assistans, terminera le Cortège religieux.
Monsieur le Préfet, et les autres Membres des Autorités constituées qui auront la dévotion d’assister à la Procession, suivront immédiatement le dais.
Une Compagnie d’Infanterie fermera la marche. […]
Le même jour, à quatre heures après-midi, on chantera solemnellement les Vêpres, qui seront suivies des Complies ; Salut en Musique[iii], et de la Bénédiction du très-Saint Sacrement ».
Mais si Waudru est doublement fêtée le 12 août, il était également question dans le document de 1250 de saint Laurent qui est lui fêté le 10 août. La collégiale possède une relique de ce saint, enchâssée dans une orfèvrerie parisienne probablement de la fin du XIIIe siècle. Elle y voisine une relique de saint Eloi. Il s’agit d’un reliquaire offert à la collégiale Sainte-Waudru en 1396 par « Maistre pierre cramette secretaire du roy chanoine de noion ede ceste eglise » selon le texte de l’inscription ajoutée alors. Le chanoine, reçu au chapitre en 1376 et donateur 20 ans plus tard du reliquaire, s’est fait représenter sur le reliquaire agenouillé devant une représentation de sainte Waudru. Il s’agit d’un des rares chanoines de Sainte-Waudru (version ancien régime) dont une image (fidèle ou inventée) est conservée en la collégiale.
Il faut encore signaler que c’est le 22 août 1804 que Mgr Hirn, évêque de Tournai a signé l’authentique qui se trouve dans le reliquaire de sainte Waudru offert à Henriette Bernardine de Spangen, dernière chanoinesse de Sainte-Waudru à résider à Mons, décédée, ça ne s’invente pas, le 15 août, en 1853. La relique donnée à l’ancienne chanoinesse est une partie d’une côte de sainte Waudru enchâssée dans un reliquaire ovale en argent muni de deux verres laissant voir la relique et l’authentique plié de l’autre côté. Dans cet authentique, l’évêque précise : « … nous avons consenti à ce que la parcelle mentionnée soit déposée avec révérence dans un reliquaire, offerte à la vénération des fidèles, sans toutefois permettre qu’elle soit exaltée d’aucune manière ».
Et c’est aussi en août, le 3, en 1919, que fut organisée une procession qui a permis une deuxième rencontre à Casteau des reliques de saint Vincent et de sainte Waudru. Cette procession rappelait celle organisée en octobre 1349 quand Vincent et Waudru avaient été invoqués pour faire cesser l’épidémie de peste. La procession de 1919 était un remerciement adressé aux deux saints pour la protection accordée durant la guerre.
Et bien évidemment, le 15 août, fête de l’Assomption, c’est Marie qui est mise en évidence par l’exposition d’une statue (souvent l’une des trois statues qui participent à la procession de la Trinité : Tongre, Alsemberg et Rosaire) ou d’une œuvre qui lui est consacrée (une statue conservée au Trésor ou un ornement liturgique ancien). En n’oubliant pas les verrières anciennes consacrées à ce moment de la vie de Marie qui représentent soit l’Assomption (verrière haute dans le chœur placée vers 1511), soit la Dormition (verrière du transept nord offerte par la ville de Mons en 1523)[iv].
On pourrait encore évoquer, présents dans le patrimoine de la collégiale, les saints Alphonse de Liguori (retable et peinture), Dominique (peinture et vitrail), Claire (peinture et vitrail), Jeanne-de Chantal (peintures), Roch (retable, peintures, statues, reliquaire), Carloman (peint sur le tableau « Parentage de sainte Waudru »), Barthélemy (statue par Du Broeucq), Louis (vitraux, reliques de la sainte Epine), Monique (peinture, statue), Augustin (vitrail, peinture), Décollation de Jean-Baptiste[v] (peinture, statue, bénitier portatif), … qui, tous, sont fêtés au mois d’août.
Bref, le mois d’août en la collégiale Sainte-Waudru n’est pas un mois de tout repos… Et il y a de nombreuses fêtes à commémorer, dont celle de sainte Waudru, le 12, est de nos jours moins célébrée que du temps du chapitre !
Benoît Van Caenegem
Conservateur de la collégiale Sainte-Waudru
et de son Trésor
[i] Une affiche de 1804 annonçant le retour des reliques précise : « L’Anniversaire de cette fête se célébrera, tous les ans, pareillement avec Indulgence plénière, le douze du mois d’Août, quand ce jour tombera le Dimanche ; si non, le Dimanche qui précédera le douze ».
[ii] Il s’agit probablement du Car d’Or qui avait été légèrement adapté pour recevoir les deux nouveaux reliquaires et les gradins sur lesquels se tenaient des « Enfans vêtus en Anges ».
[iii] Vêpres : moment liturgique situé juste à la fin de l’après-midi et au début de la soirée.
Complies : dernière prière du jour après le coucher du soleil.
Salut en Musique : temps d’adoration du Saint-Sacrement pendant son exposition avant la bénédiction.
[iv] L’Assomption correspond à l’élévation de Marie au ciel à la fin de son existence terrestre (point de vue occidental) ; la Dormition correspond à l’endormissement en douceur de Marie à la fin de sa vie terrestre (point de vue oriental).
[v] La fête principale de saint Jean-Baptiste se célèbre le 24 juin, on parle alors de la Nativité de Jean-Baptiste. Le terme « Nativité » n’est employé que pour Jésus, Marie et Jean-Baptiste. Le 29 août, on commémore le martyre de Jean-Baptiste (sa décollation), fête particulièrement célébrée par la confrérie de la Miséricorde (confrérie de Saint Jean Décollé ou les Beubeux) parce que c’est le jour anniversaire de sa fondation en 1699. N’oublions pas que de nombreuses chanoinesses étaient membres de la confrérie de la Miséricorde.
