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Ainsi, au centre du maître-autel, la Dernière Cène, sculptée dans l’albâtre par Jacques Du Broeucq, réunit les apôtres autour d’une table présidée par Jésus. Au centre, sur un plat, un agneau est prêt à être dégusté. Cette représentation de la Dernière Cène, le dernier repas, montre encore que Jacques Du Broeucq, bien que formé à la Renaissance lors de son séjour italien, n’a pas encore totalement oublié sa formation « gothique » durant laquelle il a certainement vu de nombreuses œuvres consacrées à la Dernière Cène. Et alors, c’est un agneau entier qui faisait office de plat principal. Cet agneau, prêt à être mangé, est parfaitement représenté par l’artiste.
Pas loin de là , dans la chapelle dédiée à sainte Marie-Madeleine, c’est un autre repas qui est mis en évidence : celui chez Simon de Béthanie. Sur la table, les convives ont la possibilité de déguster de la volaille et des petits pains. Il faut remarquer l’extrême précision de Jacques Du Broeucq dans la réalisation des aliments proposés. Le « spectateur » pourrait presque avoir envie de déguster la volaille et les pains tellement le tout semble appétissant. Notons que Du Broeucq a poussé le détail jusqu’à installer une surnappe en dentelle sur la nappe. Le soleil entrant dans la collégiale permet parfois de découvrir ce « secret » de l’œuvre.
Dans la chapelle dédiée à la Sainte-Face (collatéral sud), un autre Dernière Cène est proposée. Il s’agit ici d’un tableau peint sur bois dans la seconde moitié du XVIe siècle et signé : « Servaes De Couen fec et inv ».
Sur la table, dans le plat principal, ce qui ressemble à des huîtres. On est loin du pain ou de l’agneau. Plusieurs demi-pains se trouvent également sur la table. En regardant de près, on voit que Jésus semble tendre un morceau de pain (?) à Judas (facilement reconnaissable à la bourse qui pend à sa ceinture).
Derrière le Car d’Or, sur le mur, une peinture due à Antoine Van Ysendyck, réalisée en 1850 et offerte à la collégiale par Henriette Bernardine de Spangen, la dernière chanoinesse en résidence à Mons, a pour sujet « Sainte Waudru et ses filles visitant les prisonniers ». Sainte Waudru, tenant une crosse esquisse un geste de bénédiction à l’attention d’un prisonnier ; l’une des filles (à l’avant plan) offre ce qui pourrait être une couverture à un prisonnier enchaîné ; la seconde, presque dissimulée derrière sa mère, porte un panier dans lequel se trouvent trois pains. La visite des trois saintes s’accompagnait donc d’une distribution de pains. C’est l’occasion de signaler que souvent les chanoinesses faisaient, comme leur sainte Patronne, procéder à des distributions de nourriture au profit des plus pauvres de la population montoise. Et parfois même, elles offraient des gaufres !
Souvenir d’un temps plus lointain, un repas évoqué dans l’Ancien testament figure aussi, même si la quasi-totalité des visiteurs passe devant sans s’y attarder, dans le patrimoine de Sainte-Waudru. Intégrés à l’autel factice, dans le transept nord-ouest, deux reliefs, sculptés dans l’albâtre par Du Broeucq, évoquent la récolte de la Manne. On y voit les Hébreux récolter le repas que Dieu leur destine et en remplir divers récipients.
Notons encore, mais ce repas est la source de tout, une peinture sur le retable dédié à saint Jean-Baptiste de la Salle. On y voit « Saint Jean-Baptiste de la Salle recevoir le saint Viatique ». L’hostie n’est plus alors simple réalisation humaine, elle est, pour les chrétiens, vraiment devenue le corps du Christ.
Dans la chapelle voisine, le vitrail néogothique représente saint Charles Borromée distribuant la communion. Il nourrit alors les âmes plus que les corps.
Il faut maintenant dire quelques mots des objets de culte sur lesquels sont représentés du blé et du raisin, c’est-à -dire l’essentiel pour créer le pain et le vin qui au cours de l’eucharistie deviennent Corps et Sang du Christ.
Plusieurs des calices de la collégiale présentent dans les décors des fausses-coupes ou des pieds soit des gerbes de blé, soit des grappes de raisins, soit les deux ; c’est-à -dire les symboles de l’Eucharistie.
Donc, sans être exhaustif, le Trésor de Sainte-Waudru dispose :
- d’un calice en argent du XVIIIe, par Gilles Demarets, dont la fausse-coupe est décorée de gerbes de blé et de raisins ;
- d’un calice en argent du XVIIIe (1778) avec des gerbes de blé sur la fausse-coupe.
Un autre calice (argent doré du XVIIe – dépôt des Ursulines) présente aussi sur la fausse-coupe de la nourriture, mais dans une scène plus rare : la multiplication des pains (miracle accompli par Jésus pour nourrir la foule qui l’écoutait). La Dernière Cène, avec une table sur laquelle il y a un agneau et du pain, figure aussi sur la même fausse-coupe. La récolte de la manne est la troisième scène représentée entre les deux premières : on y voit les hébreux ramasser la manne qui tombe du ciel et permet qu’ils puissent se nourrir. La quatrième scène est consacrée au sacrifice d’Abraham.
Autres objets de culte, des ostensoirs sont ornés de blé et de raisin. Sur l’un deux, en argent du XVIIIe, œuvre de Pierre-Joseph de Bettignies, se trouve, au sommet de la tige et sous le « soleil », une corbeille remplie de blé et de raisins (raisins également représentés sur le nœud et le pied).
Une monstrance plus ancienne, réalisée par Hubert Horion en 1671/1672, est aussi accompagnée, au sommet de la tige, de raisins et de blé.
Deux autres ostensoirs en argent du XIXe sont pareillement parsemés sur le « soleil » de raisins et d’épis de blé.
Sans oublier celui en argent et vermeil réalisé par Charles Defuisseaux (1831/1839) et qui appartenait aux Carmélites de Mons. Epis de blé et grappes de raisins semblent y flotter sur les rayons du soleil dominé, sous la couronne, par une représentation de Dieu le Père.
Bien plus récent dans les collections du Trésor, un petit ciboire en argent de 1950, œuvre réalisée à Tournai, présente des épis de blé stylisés sur le pied.
Quelques vêtements liturgiques, rarement utilisés, conservent, brodés aux fils d’or, d’argent ou de soie, des représentations de blé ou de raisin.
Parfois, la nourriture est plus symbolique. La collégiale possède de la sorte plusieurs représentations de Pélican nourrissant ses petits.
- un pélican est représenté dans les remplages d’une verrière de la nef nord, consacrée aux rois mages. On y voit clairement l’animal nourrir ses petits.
- dans les collections du Trésor, mais en réserve en la sacristie, le chaperon d’une chape de 1735 est aussi consacré au pélican.
- une autre chape plus récente (début du XXe) présente le même sujet sur son chaperon (cette chape accompagne désormais le groupe des chanoines de Saint-Germain lors des cérémonies de la Trinité).
Dans la nature, le pélican peut aisément nourrir ses petits en se sacrifiant ; mais dans l’iconographie chrétienne, le pélican évoque évidemment le Christ, lui qui donne sa vie pour l’humanité.
En ce qui concerne les disciples d’Emmaüs, ils sont représentés assis à une table en compagnie de Jésus ressuscité qui rompt le pain (c’est grâce à ce geste que les disciples le reconnaissent), avec sur la table deux autres pains et des assiettes et plat remplis d’autres mets. Cette peinture date du commencement du XVIIe et est sécurisée en la chapelle de semaine. Depuis peu, une petite représentation en bronze des disciples d’Emmaüs à table est visible au-dessus du tabernacle installé dans la chapelle Saint-Roch.
Nettement plus anecdotique, et destiné comme nourriture pour certains animaux, on trouve aussi, sur les guirlandes de fleurs et de feuilles qui ornent le Car d’Or quelques glands particulièrement bien représentés sur le véhicule destiné à porter chaque année la sainte patronne de Mons.
Et en s’attardant encore un peu, il est encore possible de deviner ou plutôt d’imaginer du pain porté par l’âne de saint Aubert dans le vitrail de la chapelle Saint-Vincent.
Quant à Saint-Roch et son chien, ils nous présentent des petits pains (portés par le chien) : peinture (début XVIIIe) de l’autel de la chapelle dédiée au saint ; statue (XVIIIe) qui surmonte le retable et une autre (anciennement présentée en la chapelle des Capucins) qui se trouve dans une niche (autrefois vitrée) au-dessus de l’autel de la même chapelle.
Saint Roch est aussi évoqué au Trésor :
- une statue (bois doré du XVIIIe) représentant Saint-Roch et son chien, le chien ayant en gueule … un pain.
- une petite peinture sur cuivre est également dédiée à saint Roch. Il s’agit ici d’une copie inversée du tableau réalisé par Rubens pour l’église Saint-Martin d’Alost. Et ici encore, c’est le chien qui porte le pain.
Et pour finir par une touche un peu plus sucrée, il faut s’attarder au dos des stalles dans le déambulatoire sud. Saint Ambroise y est représenté avec son attribut caractéristique : une ruche. Cette dernière cache probablement un peu de miel, un dessert caché en fin de visite …
Bref, avec un peu d’attention, il est facile de trouver des œuvres qui « mettent l’eau à la bouche » mais toujours sans oublier que la plus petite (matériellement parlant) des nourritures, l’hostie consacrée, est l’unique source de vie (avec le vin consacré) toujours présente dans la Collégiale dans le tabernacle qui la protège et la met toujours à la première place.
Et comme l’hostie est essentielle, il est impossible de terminer sans évoquer celle sur laquelle un calvaire est finement sculpté et qui surmonte une coupe (ou un calice) tenue par la Foi, cette remarquable statue d’albâtre sculptée au XVIe par Jacques Du Broeucq à la demande des chanoinesses de Sainte-Waudru.Â
Benoît Van Caenegem
Conservateur de la collégiale Sainte-Waudru
et de son Trésor
