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La collégiale Sainte-Waudru, et ce n’est pas une « bêtise », dépendait de Cambrai…

En « résumant » rapidement les diverses cérémonies liées aux reliques de sainte Waudru au fil du temps, il apparaît qu’elles ne concernent directement que deux diocèses seulement :

  • Fête de l’Ascension 1157 : transfert des reliques de sainte Waudru par Gérard, évêque de Tournai « remplaçant en cette occasion Mgr de Cambrai[i]».
  • 12 août 1250 : séparation du chef et du corps de sainte Waudru en présence de Nicolas, évêque de Cambrai.
  • 12 août 1313 : translation[ii] des reliques de sainte Waudru en vertu d’une commission de Pierre de Mirepoix, évêque de Cambrai.
  • Le 5 juin 1591 : reconnaissance du chef de sainte Waudru par Louis de Berlaimont, archevêque de Cambrai.
  • Le 21 septembre 1607 : reconnaissance du chef de sainte Waudru par Guillaume de Berges, archevêque de Cambrai.
  • Le 21 septembre 1685 : extrait d’un fragment du chef de sainte Waudru pour le donner à Herentals par Jacques de Bryas, archevêque de Cambrai.
  • Du 14 juillet au 7 août 1804, François-Joseph Hirn, évêque de Tournai, procédait à son tour à la reconnaissance des reliques de sainte Waudru.
  • Septembre 1887 : reconnaissance des reliques de sainte Waudru par Mgr Bélin, évêque de Namur remplaçant l’évêque de Tournai, Mgr Du Rousseaux.
  • Novembre 1997 : reconnaissance des reliques de sainte Waudru par Mgr Jean Huard, évêque de Tournai.

 

Ainsi, depuis le début du XIXe siècle, c’est l’évêque de Tournai qui préside les cérémonies liées à sainte Waudru. En effet, Mons venait alors d’être « incorporée » dans le diocèse de Tournai en suite de la Révolution française et n’était plus soumise à l’autorité de l’archevêque de Cambrai.

Mais jusqu’en 1794 (voire même 1801), d’un point de vue religieux naturellement, c’est bien de Cambrai que dépendait Mons, et donc la collégiale Sainte-Waudru, église privée et personnelle des chanoinesses de Sainte-Waudru.

A bien y regarder, il existe quelques traces, écrites ou iconographiques, de cette appartenance à Cambrai dans le « patrimoine » de la collégiale Sainte-Waudru.

Ainsi du 13 au 29 mai 1582, Louis de Berlaimont, archevêque de Cambrai fait procéder à la consécration de la collégiale et de 21 de ses autels par son suffragant, André, évêque de Calcédoine[iii].

Dans les hautes verrières du chœur, côté nord, se trouve une verrière (la présentation au Temple) de 1511 offerte par Jacques de Croÿ, évêque et duc de Cambrai, représenté agenouillé d’un côté de la scène tandis que de l’autre figure son saint patron, saint Jacques le Majeur[iv].

Une autre verrière du chœur est consacrée à François Buisseret, archevêque de Cambrai représenté, en 1615, agenouillé devant saint François recevant les stigmates.

Quant aux pierres tombales, aucune de celles qui évoquaient des personnes ayant exercé des fonctions officielles dans le diocèse de Cambrai n’est conservée ; conséquence des dégâts infligés à la collégiale à la Révolution française. Seul un monument commémoratif (1626) évoque Cambrai. Il s’agit de celui qui sert aujourd’hui de retable dans la chapelle de la Sainte-Face (chapelle 27 de la collégiale) et qui était dédié à Nicolas Goubille. Ce dernier était né à Mons et était Doyen de Cambrai[v]. Le texte l’évoquant se situant à l’arrière du monument commémoratif n’est plus visible dans la collégiale mais est repris par Léopold Devillers dans son Mémoire historique sur la Collégiale à la page 49[vi].

 

Anciennement, à partir de 1559, l’archidiocèse de Cambrai était composé de quatre archidiaconés (circonscription territoriale religieuse, subdivision d’un diocèse) :

  • celui du Cambrésis (trois doyennés : Cambrai, le Cateau-Cambrésis, Beaumetz) ;
  • celui de Valenciennes (trois doyennés : Valenciennes, Haspres, Avesnes) ;
  • celui de Hainaut (quatre doyennés : Mons, Bavay, Maubeuge et Binche) ;
  • celui de Brabant (quatre doyennés : Chièvres, Saint-Brice de Tournai, Lessines, Hal).

Avant 1559, deux autres archidiaconés faisaient partie du diocèse de Cambrai :

  • celui de Bruxelles (avec les doyennés  de Bruxelles, d’Alost et de Pamele) ;
  • celui d’Anvers (avec le doyenné d’Anvers).

Ces deux archidiaconés furent intégrés dans les diocèses de Malines et d’Anvers[vii].

Cette division en six archidiaconés permet de s’imaginer l’étendue du diocèse de Cambrai avant 1559 (du doyenné de Beaumetz -sud ouest de Cambrai- à celui d’Anvers) et, même si elle était un peu réduite, l’étendue que l’archidiocèse de Cambrai a conservée de 1559 à la Révolution française (du doyenné de Beaumetz à celui de Hal).

Avant la Révolution française, le diocèse de Tournai existait, comme suffragant de celui de Cambrai, mais Mons n’en faisait pas partie. Tournai, en tant que diocèse, englobait ainsi Lille, Bruges et Gand. Il faut cependant noter que la ville de Tournai n’était pas entièrement dans le diocèse portant son nom. En effet, l’Escaut servait de « frontière naturelle » pour délimiter les diocèses et c’est ainsi que le doyenné de Saint-Brice à Tournai dépendait de Cambrai ! Jusqu’à la fin du XXe siècle, lors des processions, il était de tradition qu’au passage de l’Escaut pour entrer sur le doyenné de Saint-Brice, au milieu d’un pont, l’évêque confie le Saint-Sacrement au doyen de Saint-Brice. Au retour sur le diocèse de Tournai, au milieu d’un autre pont, le doyen de Saint-Brice remettait le Saint-Sacrement à l’évêque de Tournai pour continuer la procession. C’était, intégré dans la tradition, un « souvenir » d’une époque où le doyenné de Saint-Brice appartenait au diocèse de Cambrai (où l’évêque de Tournai n’avait bien évidemment aucune autorité) ![viii]

Lors du Concordat de 1801, le diocèse (rapidement rétabli en archidiocèse) de Cambrai sera sensiblement réduit, perdant notamment les territoires devenus belges en 1830.

Au début du XIXe siècle, le diocèse de Tournai va coïncider, en même temps que la naissance de la Belgique, avec la Province de Hainaut. Mons sera le chef-lieu provincial mais le siège de l’évêché (excentré par rapport à la superficie du diocèse) restera à Tournai.

Le 16 octobre 1803, l’évêque de Tournai, Mgr Hirn, nommait curé-doyen de Sainte-Waudru l’abbé Jean-Baptiste Deruesne, né à Valenciennes le 1er septembre 1751. Ainsi, clin d’œil de l’histoire, le premier doyen de Sainte-Waudru depuis la création de la paroisse était originaire du diocèse de Cambrai. Il avait aussi exercé des fonctions importantes pour son diocèse d’origine. De la sorte, il fut entre autres : vicaire de Saint-Martin à Cambrai, curé-doyen de Condé, Vice-doyen de Cambrai, administrateur Vicaire-Général de l’Archidiocèse de Cambrai. Bref, il était une transition pour faire passer sans problème Mons d’un évêché à l’autre.

Quant à la Collégiale Sainte-Waudru :

  • en tant que siège d’une paroisse publique (crée en 1803), elle a toujours appartenu au diocèse de Tournai
  • en tant qu’église personnelle des chanoinesses, elle relevait du diocèse de Cambrai

Et de nos jours, il peut arriver que l’évêque de Tournai et l’archevêque de Cambrai concélèbrent dans la collégiale lors de cérémonies importantes ou participent ensemble, comme ce fut le cas en 2009, à la cérémonie de descente de la châsse de sainte Waudru[ix].

 

Benoît Van Caenegem

Conservateur de la collégiale Sainte-Waudru

et de son Trésor

[i] HOYOIS E., Documents pour faire suite à l’histoire de sainte Waudru, Patronne de Mons, Mons, p. 180. Vidimus de 1157 trouvé lors de la cérémonie de séparation du chef et du corps de sainte Waudru.

[ii] Transfert des reliques d’un reliquaire à un autre.

[iii] DEVILLERS Léopold et MATTHIEU Ernest, Chartes du Chapitre de Sainte-Waudru de Mons, tome 4, Bruxelles, 1913, p. 206-210.

[iv] Pour une étude complète du vitrail de Jacques de Croÿ, voir VANDEN BEMBEN Yvette, Les vitraux de la première moitié du XVIe siècle conservé en Belgique  Province du Hainaut  fascicule 1  La collégiale Sainte-Waudru Mons, Namur, 2000, p. 167-181, et la page VII du cahier des illustrations couleurs.

[v] LE GLAY André, CAMERACUM CHRISTIANUM ou Histoire ecclésiastique du diocèse de Cambrai, Lille, 1849, p. 99 : « Nicolas II, Goubille, archidiacre de Brabant, devenu doyen par la cession de François Buisseret, promu à l’évêché de Namur, il entra en possession le 23 janvier 1602. … Il mourut le 18 avril 1628 ».

[vi] Devillers Léopold, Mémoire historique et descriptif sur l’église de Sainte-Waudru, à Mons, Mons, 1857, p. 49 : SALVATORI NRO / ET IN ILLO MEMORIE / FRANCISCI GOUBILL / I. V. L. CAROLI V IMPER. / IN COMITATU HANNONIÆ / PRIMI CONSILIARII / ET IOLEMÆ DE ARCHIES / PARENTV SVORV HANC / PORTAM DEDICAVIT / NICOLAUS GOUBILLE / I. V. L. ET B. MARIE / CAMERACEN. DECANVS / ET HVIVS CANONICVS / ANNO DNI M.DC.XXVI.

[vii] LE GLAY André, CAMERACUM CHRISTIANUM …, p. 386-387.

[viii] Nous remercions M. le doyen André Minet pour les informations sur le doyenné de Saint-Brice et ses souvenirs à propos du « passage de l’Escaut par le Saint-Sacrement en procession ».

[ix] Le samedi 13 juin 2009, Mgr Guy Harpigny, évêque de Tournai, et Mgr François Garnier (1944-2018), archevêque de Cambrai, ont participé à la cérémonie de descente de la châsse de sainte Waudru.