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La tradition rapporte que vers 1039, la canonisation de Waudru (célébrée par le Chapitre le 2 novembre), devenue sainte Waudru, fut approuvée par l’évêque de Cambrai et qu’en 1157 un nouveau linceul fut placé autour des saintes reliques. Ce n’est qu’un siècle plus tard que le chef (la tête) de sainte Waudru va être particulièrement mis en évidence.
Ainsi, le 18 août 1250 : Marguerite de Constantinople offre un reliquaire pour le chef de sainte Waudru. La séparation, « le chapitre de ladite église étant convoqué et consentant, en présence de ceux qui voulaient et devaient être présents »[1], du corps et de la tête a lieu le lendemain de l’octave de saint Laurent (soit le 18 août, mais, de manière inexpliquée, le chapitre a toujours commémoré cette séparation le 12[2], date qui correspond à la translation des reliques du corps dans une nouvelle châsse en 1313).
En 1305 : le reliquaire du chef de sainte Waudru est cité dans un inventaire des reliques et joyaux de l’église de Sainte-Waudru « Premiers, li chies medame saincte Waudrut »[3]. En 1313 : il faut « le cief bruntir »[4] (polir le reliquaire), c’est-à-dire qu’il faut le faire briller du même éclat que la nouvelle châsse dans laquelle les reliques du corps sont déposées le 12 août.
On sait qu’au fil du temps de l’argent, des bijoux, des terres, … seront donnés par des personnes aisées, et notamment des chanoinesses, au reliquaire contenant la tête de la sainte protectrice de Mons. Ainsi, en 1588 : Mme de Rubempré, chanoinesse, donne, via son testament, deux bracelets en or et un anneau aussi en or au chef de sainte Waudru.
Le 5 juin 1591 : le chef de sainte Waudru sera canoniquement reconnu par Mgr Louis de Berlaimont[5], archevêque et duc de Cambrai. Neuf années plus tard, le reliquaire de 1250, en même temps que la châsse de 1313, sera conduit sur la Grand-Place pour l’inauguration des archiducs Albert et Isabelle.
Une nouvelle reconnaissance de la relique sera très vite prévue. En effet, le 21 septembre 1607 Mgr Guillaume de Berghes[6], archevêque et Duc de Cambrai, procède à la reconnaissance du chef de sainte Waudru.
« L’archevêque relate qu’il a trouvé ce saint chef enveloppé de soie rouge, entier et dans un état parfait de conservation, sauf une petite ouverture ronde au côté gauche de l’occiput vers le cou, et qu’il l’a ensuite remis dans la même châsse avec tout le respect convenable. Il fait mention des lettres de Nicolas, évêque de Cambrai, du 18 août 1250, concernant le dépôt du chef de la sainte dans un reliquaire spécial, et des lettres de Louis de Berlaimont, archevêque et duc de Cambrai, du 5 juin 1591, constatant l’ouverture par lui faite de la dite châsse »[7].
À la fin du 17e siècle, du 21 au 30 septembre 1685, une parcelle du chef de sainte Waudru est offerte à Herentals qui a également Waudru pour Patronne.
Du temps du chapitre, il faut le rappeler, les chanoinesses, les officiers du chapitre, le comte de Hainaut, le bourgmestre et les échevins prêtaient serment sur les reliques de sainte Waudru et donc aussi sur le chef de sainte Waudru.
Au 18e siècle, le reliquaire de 1250 sera entretenu et réparé à plusieurs reprises. Mais l’arrivée à Mons des troupes française, en 1793 et 1794, allait provoquer la disparition du reliquaire offert par Marguerite de Constantinople en 1250.
Ainsi en 1793 et en 1794, le reliquaire de 1250 est mutilé (1793) puis emmené (1794) par les troupes françaises de la fin du XVIIIe pour être fondu à Paris.
En juin 1794, alors qu’elles sont contraintes à l’exil, les chanoinesses mettent en sécurité leur Trésor, c’est-à-dire les reliques de sainte Waudru. Le corps est déposé en Allemagne à Rattingen (près de Düsseldorf) ; le chef et quelques reliques de sainte Aye sont déposés, dans une boîte en carton, sur l’autel de la chapelle privée de Mme d’Argenteau d’Ochain, belle-sœur d’une chanoinesse, à Liège, quai d’Avroy, 586.
Après un exil de neuf ans, comme le signalent les textes des cartouches tenus par les angelots du Car d’Or, les reliques pourront revenir à Mons. C’est le 12 juin 1803 que les chanoinesses donnent, via une lettre signée par quatre d’entre elles, les reliques de leur patronne à la Fabrique d’église Sainte-Waudru à Mons « pour, lesdites Saintes Reliques, être réinstallées avec la plus grande solennité possible en l’église paroissiale de Sainte-Waudru à Mons, lieu naturel de son dépôt[8] ».
Il faudra cependant attendre encore une année pour que les reliques soient réinstallées en la collégiale.
Le 7 août 1804, François Joseph Hirn, évêque de Tournai, procédait à la reconnaissance des reliques de sainte Waudru et actait en ce qui concerne le chef de sainte Waudru :
« Monseigneur procéda alors à l’ouverture de la boîte de carton couverte de papier rayé en blanc et bleu, dans laquelle se trouva le chef de Ste Waudru contenu dans une petite caisse octogone, dont une face garnie de cuivre jaune présentait une ouverture fermée par une petite porte en forme de croix avec une goupille de même métal, qui étant ouverte laissait voir à nu la partie antérieure du crâne de Ste Waudru. Les autres faces de ce reliquaire sont couvertes d’une étoffe de soie parsemée de fleurs de couleurs et de rayes en or et en argent, ayant pour base un petit voile garni de la même étoffe avec des franges d’or.
De ce reliquaire qui fut substitué à la châsse d’argent doré prise pendant les troubles en novembre 1792[9], le chef de Ste Waudru a été ensuite transféré par mondit Seigneur Evêque de Tournai dans une autre châsse de bois doré, en pyramide, avec les authentiques des siècles antérieurs[10] qu’on retrouva en bon état et en due forme dans le reliquaire garni d’étoffe mentionné ci-dessus ; et mondit Seigneur y a ajouté l’extrait, écrit sur vélin, du présent procès verbal, pour ce qui concerne le chef de Ste Waudru »[11].
Ce sera chose faite le 12 août 1804. Le chef de sainte Waudru est alors précieusement déposé dans un petit reliquaire en bois toujours porté par un angelot du Car d’Or en 2025. Il est intéressant de remarquer que ce reliquaire en bois de 1804 et celui en argent de 1250 (jusqu’en 1794) étaient, lors de la procession de la Trinité, portés sur le Car d’Or (ce qui n’est plus possible avec l’actuel reliquaire néogothique du chef).
En 1867, l’orfèvre Armand Bourdon crée l’actuel reliquaire du chef de sainte Waudru (l’ancien reliquaire est conservé et est porté par un des angelots du Car d’Or). Ce reliquaire de 1,80m de haut n’est plus porté par le Car d’Or en procession. A l’occasion de la procession, le bourgmestre de Mons offre une couronne de roses rouges naturelles pour le chef de sainte Waudru, geste politiquement non suspect vu qu’il trouve son origine vers 1250.
En 1882, dans un souci de protection du reliquaire, M. Dosveld, architecte en charge des travaux de restauration et d’entretien de la collégiale, soumet au Bureau des Marguilliers de Sainte-Waudru « le croquis d’une armoire en style gothique à exécuter en fer laminé pour placer dans la chapelle du saint nom de Jésus (chapelle 17) pour y placer le reliquaire contenant le chef de sainte Waudru »[12]. La confection et le placement de l’armoire reviendront à quatre cents francs et seront pris en charge par une souscription faite parmi les paroissiens.
En 1882, l’armoire qui renferme le chef est installé dans la chapelle 17 (actuelle chapelle Sainte-Waudru) ; puis l’armoire sera placée au premier pilier du chœur (côté rampe) et finalement, probablement après le 2e guerre mondiale, le Chef sera présenté dans son actuelle chapelle, posé sur un socle peint et doré qui est la dalle funéraire, en forme de cul-de-lampe, de la chanoinesse Marguerite d’Esne décédée en 1427.
Plus d’un siècle après, le 17 novembre 1997, Mgr Jean Huard, évêque de Tournai, procède à la reconnaissance canonique des reliques de sainte Waudru (corps et chef). Le 22 novembre 1997, les reliques du corps et du chef de sainte Waudru sont scellées par Guy Harpigny alors doyen de Sainte-Waudru avant d’être remises dans les reliquaires des orfèvres Bourdon (chef) et Wilmotte (châsse).
Depuis le samedi 10 juin 2006, le bourgmestre de Mons vient lui-même offrir la couronne de roses rouge naturelles le samedi, veille de la Trinité, juste avant l’exposition du dragon devant le Car d’Or. N’oublions pas que si le Lumeçon existe, c’est probablement aux chanoinesses qu’il faut en attribuer le « mérite ». C’est en effet à leur demande que le « jeu de Monseigneur saint Georges » fut mis en scène et joué au début du 14e siècle. La présence du dragon devant le Car d’or la veille de la trinité doit permettre de le rappeler !
En 2024, le reliquaire de sainte Waudru de Herentals (une partie du chef offerte en 1685) a participé à la procession de la Trinité et avait été exposé le samedi à proximité du reliquaire néogothique du chef.
En 2025, un projet de scannage du chef de sainte Waudru n’a pas abouti. Le projet remonte à 2015 (année durant laquelle Mons était Capitale européenne de la Culture) et il était « réactivé » par le bourgmestre de Mons. Il a toutefois semblé sage aux responsables du patrimoine de Sainte-Waudru (Clergé, Fabrique, conservateur) de postposer l’opération.
En collaboration avec le service Art, Culture et Foi du Diocèse de Tournai et dans les règles établies par le Dicastère (ministère) pour les Causes des Saints au Vatican, le projet sera entièrement revu sans aucune précipitation. L’objectif resterait bien sûr de parvenir à une meilleure connaissance de la Patronne de la Cité en fonction des moyens qui seront alors disponibles.
Mais il faut conclure ! Dans la collégiale, et le constat vaut toujours en 2025, le reliquaire du chef de sainte Waudru fait l’objet d’une vénération constante de la part des Montois et fidèles de sainte Waudru, sauf peut-être entre les cérémonies de descente et de remonte de la châsse de sainte Waudru lors de la Ducasse. Le chef est alors, et cela semble presque normal, un peu « délaissé » au profit de la châsse qui, une fois remontée, sera « délaissée » à son tour jusqu’à la prochaine Ducasse.
Mais la confiance des Montois en sainte Waudru reste inchangée. Devant la châsse ou, plus souvent, devant le chef, il y a des bougies et de nombreuses prières. C’est bien la preuve que les chanoinesses avaient raison quand elles considéraient comme leur unique Trésor les reliques de sainte Waudru !
Benoît Van Caenegem
Conservateur de la collégiale Sainte-Waudru
et de son Trésor
[1] Acte de la séparation de la tête et du corps de sainte Waudru rédigé le 18 août 1250 et conservé à l’intérieur de la châsse de sainte Waudru.
[2] Dans le Calendrier du Hainaut pour l’an de Grâce M.D.C.C.LXXIII (1773), au 12 août, il est précisé : « Sép.[aration] du C[hef] ste W ».
[3] DEVILLERS Léopold, Chartes du chapitre de Sainte-Waudru de Mons, tome premier, Bruxelles, 1899, p. 539.
[4] DEVILLERS Léopold, Le Passé artistique de la Ville de Mons, Mons, 1880, p. 83.
[5] Louis de Berlaymont est né à Berlaimont en 1542 et mort à Mons en 1596. Il fut archevêque de Cambrai de 1570 à sa mort le 15 février 1596.
[6] Guillaume de Berghes est né à Anvers en 1551 et mort à Cambrai en 1609. Il fut archevêque de Cambrai de 1601 à sa mort le 27 avril 1609.
[7] DEVILLERS Léopold et MATTHIEU Ernest, Chartes du chapitre de Sainte-Waudru de Mons, tome 4, Bruxelles, 1913, p. 345. Les documents de 1250 sont désormais conservés dans la châsse mais ceux de 1591, comme ceux de 1607, ne se trouvent plus en la collégiale.
[8] Jacques SIMON, Le portrait de l’état de mariage et de continence fait sur la vie de la Très-Illustre sainte Waudru, comtesse de Hainaut, Patronne de Mons, Mons, réimpression en 1846 par Em. Hoyois, p. 103 : lettre, datée du 12 juin 1803, des chanoinesses d’Argenteau, de Nassau Corroy, de Gavre d’Aiseau et d’Andelot autorisant le retour à Mons des reliques de sainte Waudru.
[9] Souligné dans le procès-verbal de 1804.
[10] Les actes antérieurs originaux relatifs au chef de sainte Waudru ne sont pas conservés dans la châsse, ni dans le reliquaire porté par un angelot du Car d’Or. Le Trésor de la collégiale conserve uniquement le document de 1250 sur parchemin relatant la séparation du corps et du chef de la sainte.
[11] Acte de reconnaissance établi le 7 août 1804 par Mgr François-Joseph Hirn et conservé à l’intérieur de la châsse de sainte Waudru.
[12] Registre des Marguilliers de la Paroisse Sainte-Waudru 1871-1956, p. 51.