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Nettement moins connus que leurs « consœurs » chanoinesses et souvent passés sous silence, il y avait pourtant des chanoines de Sainte-Waudru.

Depuis 1214, dix prébendes étaient réservées par le souverain pour des chanoines.  Ce nombre de dix a évolué, souvent à la baisse, au fil du temps.  Ainsi par exemple, le 6 mai 1451, Philippe de Bourgogne ordonne que deux prébendes, normalement dévolues aux chanoines, soient réservées pour douze ans pour la construction du chœur de l’église de Sainte-Waudru[i]. Le nombre de chanoines de Sainte-Waudru finira par être réduit à quatre au moment de la suppression du chapitre en 1794.

Ces chanoines de Sainte-Waudru n’ont finalement laissé que très peu de souvenirs directs dans le patrimoine propriété de la collégiale.

Ainsi, à l’exception d’un reliquaire et d’une pierre tombale, il ne nous reste que des traces écrites du passage de ces chanoines. Il y a bien quelques chanoines dont les tombes se trouvent dans la collégiale … mais il s’agit alors de chanoines de Saint-Germain qui ne devenaient pas systématiquement chanoines de Sainte-Waudru !

Le reliquaire (une relique de saint Laurent et une de saint Eloi) est une orfèvrerie parisienne de la fin du XIIIe siècle.  Elle a été offerte à la collégiale Sainte-Waudru par le chanoine Pierre Cramette au plus tôt le 26 octobre 1376, date de sa réception par procuration au chapitre. En offrant le reliquaire (peut-être seulement en 1396), le chanoine Cramette demande probablement à l’orfèvre du chapitre, Gobert Pierchon, de légèrement le modifier en y ajoutant une statuette représentant sainte Waudru et une autre le représentant agenouillé devant sa sainte patronne. Il fait vraisemblablement ajouter en même temps ses armoiries et l’inscription (en minuscules gothiques et avec l’orthographe d’époque) qui figure sur une lamelle attachée sur le socle du reliquaire : « Maistre pierre cramette secretaire du roy chanoine de noion ede ceste eglise ».

En consultant les chartes du chapitre, on lit sous le n° 808, datées du Quesnoy le 19 octobre 1376 : « Lettres par lesquelles le duc Albert de Bavière confère à Pierre Cramette, clerc, secrétaire du roi de France, la prébende de chanoine de Sainte-Waudru, vacante par la mort d’Etienne de Maulion »[ii].

Pierre Cramette meurt au tout début du XVe siècle et est enterré[iii] dans le chœur de l’abbaye d’Ourscamp près de Noyon. Il est remplacé en 1401, dans ses fonctions de chanoine de Sainte-Waudru, par Jean Lengret, secrétaire du comte de Nevers[iv].

Le second témoignage direct qui évoque un chanoine de Sainte-Waudru est une pierre tombale. Il s’agit de celle de Jean-François Broigniez (orthographié Brogniez sur sa pierre tombale).

Il avait été baptisé à Thuin le 25 octobre 1700, et probablement né le même jour, en la paroisse de Notre-Dame-dèl-Vaulx : « Jean-François fils de Jaspar Broigniez et de Catherine Degraux a été baptisé le 25 d’octobre 1700 par moi JB Hallet Pasteur étant parein (sic) Jean François Gorlier et mareine (sic) Marie Anne Degraux »[v].

Il avait été pourvu d’une prébende de chanoine de Saint-Vincent à Soignies le 26 mars 1720, recevant alors la quatorzième prébende en remplacement du chanoine Nicolas Evrard[vi].

Il fut enfin, et après une « carrière politique » aux Etats de Hainaut, pourvu d’une prébende de chanoine de Sainte-Waudru en 1745 : « 20 mars 1745. — Jean-François Broigniez, chanoine de Soignies et député du clergé de Hainaut, est mis en possession, par procuration, d’une prébende du chapitre de Sainte-Waudru vacante par la mort de M. Deprez, régent du Lis à Louvain »[vii].

Dans le registre des funérailles de la collégiale[viii] Sainte-Waudru son décès (à 54 ans) est ainsi acté : « le 15 mars [1755] fut enterré Jean-François Brogniez chanoine de cette église et de Soignies dans l’église ».  Le texte ne précise cependant pas où l’inhumation a eu lieu dans la collégiale, sa pierre tombale se situe en 2023 dans le déambulatoire nord, à hauteur du dos des stalles. Elle porte l’inscription en lettres majuscules : « D O M    ICY REPOSE LE CORPS DE JEAN FRANCOIS BROGNIEZ NE EN LA VILLE DE THUIN CHANOINE DE CE TRES NOBLE CHAPITRE ET DE SAINT VINCENT A SOIGNIES PLUSIEURS FOIS DEPUTE DES ETATS DE HAINAUT CONSEILLER DE SA MAJESTE IMPERIALE ET ROIALE DECEDE LE QUATORZE MARS 1755    PRIEZ DIEU POUR SON AME ».

Sa prébende fut rapidement (un mois et demi après son décès) attribuée à Lambert Rinquet qui était aumônier de S.A.R. la princesse Anne-Charlotte de Lorraine : « 30 avril I755[ix], à Bruxelles. — Lettres par lesquelles l’impératrice Marie-Thérèse confère à Lambert Rinquet, prêtre, natif de Namur, chanoine de Commercy, aumônier de la princesse Charlotte de Lorraine, la prébende du chapitre de Sainte-Waudru vacante par la mort de Jean-François Broigniez »[x].

Comme souvenir des chanoines de Sainte-Waudru, on peut ajouter, au reliquaire et à la pierre tombale précités, le monument dédié à Nicolas Goubille, même si l’évocation du chanoine est plus que discrète de nos jours car l’inscription le présentant comme chanoine de Sainte-Waudru n’est plus visible[xi]. Ce monument est l’ancienne « porte d’accès » au déambulatoire et sert désormais d’autel dans la chapelle dédiée à la Sainte-Face. Nicolas Goubille avait reçu le 4 mai 1598 une prébende de chanoine de Sainte-Waudru, prébende qu’il conservera jusqu’à sa mort le 18 avril 1628[xii], tout en étant devenu doyen de Notre-Dame de Cambrai.

En s’attardant aux chartes du chapitre à partir de 1700 et jusqu’à la suppression du chapitre en 1794, on constate que seulement quinze chanoines furent nommés à une prébende de Sainte-Waudru (sans tenir compte des cinq qui reçurent, en se succédant les uns aux autres, une prébende de chanoines de Sainte-Waudru en même temps que la prévôté des églises de Mons).

Les quinze « simples » chanoines se partagent seulement 4 prébendes en s’y succédant.

  • La première est octroyée à Nicolas Maillard[xiii] (1710), puis à André Molitor[xiv] (1733).
  • La deuxième à Arnould Weynans[xv] (1712) puis Albert de Bacre[xvi] (1725), puis Albert de Lannoy[xvii] (1726), puis Nicolas de Woestenraedt[xviii] (1734), et enfin, frère du précédant, le Baron de Woestenraedt[xix] (1739).
  • La troisième à Ferdinand d’Ayassassa[xx] (1725), puis François Hurion[xxi] (1733), puis Albert Bara[xxii] (1746) et enfin Isembart de Bousies[xxiii] (1759).
  • La quatrième à Mr. Vanhaske[xxiv] (1725), puis Ignace Deprez[xxv] (1741), puis Jean-François Broigniez[xxvi] (1745) et enfin Lambert Rinquet[xxvii] (1755).

Quant à la prévôté des églises de Mons, elle avait été octroyée à Léopold de Baillencourt[xxviii] (1725), puis à François d’Espiennes[xxix] (1741), puis à Léopold Mathieu[xxx] (1759), puis à Maximilien de Croix[xxxi] (1779) et enfin à Herménegilde de Croix[xxxii] (1794). Ce dernier survivra au chapitre et s’éteindra à Bruxelles « le 25 vendémiaire de l’an douze », soit le 18 octobre 1803 (deux jours après la création de la paroisse Sainte-Waudru par Mgr Hirn, évêque de Tournai).

Dans le même temps, de 1700 à 1794, on dénombre au moins la désignation de 101 nouvelles chanoinesses qui se répartissent les trente prébendes qui constituent le chapitre complet.

Les chanoines de Sainte-Waudru semblent donc condamnés à rester dans l’ombre des chanoinesses … même si, de temps en temps, il arrive, presque par hasard, qu’ils soient évoqués à l’occasion d’une visite de la collégiale.

Benoît Van Caenegem

Conservateur de la collégiale Sainte-Waudru

et de son Trésor

[i] DEVILLERS Léopold, Chartes du Chapitre de Sainte-Waudru de Mons, tome 3, Bruxelles, 1908, p. 249.

[ii] DEVILLERS Léopold, Chartes du Chapitre de Sainte-Waudru de Mons, tome 2, Bruxelles, 1903, p. 575.

[iii] Sa pierre tombale, citée par Léopold Devillers en 1873, commençait ainsi : « HIC JACET VENERABILIS ET DISCRETUS VIR MAGISTER PETRUS CRAMETTE. QUONDAM DNI REGIS SECRETARIUS. ECCLESIARUM BEATE MARIAE NOVIOMENSIS. ET SANCTAE WALDRUD. IN HANNONIA CANONICUS » (DEVILLERS Léopold, Archéologie Montoise – 1. Le reliquaire de Saint-Eloi dans Annales du Cercle archéologique de Mons, tome 11, Mons, 1873, p. 288).

[iv] A propos de Pierre Cramette, voir :

DEVILLERS Léopold, Cartulaire des comtes de Hainaut de l’avènement de Guillaume II à la mort de Jacqueline de Bavière, tome 2, Bruxelles, 1883, p. 249-251.

DEVILLERS Léopold, Archéologie Montoise – 1. Le reliquaire de Saint-Eloi dans Annales du Cercle archéologique de Mons, tome 11, Mons, 1873, p. 286-288 (avec un dessin du reliquaire).

[v] https://genealogie.arch.be/524/524_0697_002_02278_000/B_0305 Actes de baptêmes Thuin: Notre-Dame-dèl-Vaulx (1676 – 1705), p. 199 (consulté le 16.09.2023).

[vi] VOS J., Les chanoines de l’ancienne collégiale de Saint-Vincent à Soignies dans Annales du Cercle archéologique d’Enghien, tome 3, 1887, p, 246.

[vii] DEVILLERS Léopold et MATTHIEU Ernest, Chartes du Chapitre de Sainte-Waudru de Mons, tome 4, Bruxelles, 1913, p. 654 (n° 2894).

[viii] https://genealogie.arch.be/524/524_0697_002_01960_000/0_0138 Actes de sépultures et décès Mons: Sainte Waudru (1736 – 1770) en date du 15 mars 1755, p. 72 (consulté le 16.09.2023).

[ix] Lambert Rinquet fut rapidement mis en possession de ce canonicat, le 21 juin 1755.

[x] DEVILLERS Léopold et MATTHIEU Ernest, Chartes du Chapitre de Sainte-Waudru de Mons, tome 4, Bruxelles, 1913, p. 678-679 (n° 2933).

[xi] L’inscription est gravée sur l’arrière du monument, partie aujourd’hui tournée vers le mur et donc « invisible » directement.

[xii] LE GLAY André, CAMERACUM CHRISTIANUM ou Histoire ecclésiastique du diocèse de Cambrai, Lille, 1849, p. 99.

[xiii] Il succédait à Michel (de) Tramasure titulaire d’une prébende de chanoine de Sainte-Waudru depuis le 6 juin 1663.

[xiv] Son prédécesseur, Nicolas Maillard, avait été privé de sa prébende « au sujet qu’il étoit janséniste ».

[xv] Sans précision quant à la succession.

[xvi] Après la promotion de Arnould Weynans au canonicat de l’église de saints Michel et Gudule.

[xvii] Après la permutation de Albert de Bacre qui a choisi la prévôté et le canonicat de Saint-Vincent de Soignies.

[xviii] Après la démission d’Albert de Lannoy.

[xix] Suite à la démission de son frère en sa faveur.

[xx] Suite au décès de Jean d’Origon qui détenait la prébende depuis 1666.

[xxi] Suite au décès de Ferdinand d’Ayassassa.

[xxii] Suite au décès de François Hurion (orthographié Heryon en 1746).

[xxiii] Suite à la démission de Alexandre Bara.

[xxiv] Suite à une décision de justice à propos d’une prébende que « les dames chanoinesses disaient être l’une des prébendes supprimées ».

[xxv] Suite à la démission de Martin Wanhage (probablement orthographie Vanhaske en 1725).

[xxvi] Suite au décès d’Ignace Deprez.

[xxvii] Suite au décès de Jean-François Broigniez.

[xxviii] Il succédait à Jean-François de Croy en fonction depuis 1673.

[xxix] Suite au décès de Léopold de Baillencourt.

[xxx] Suite au décès de François d’Espiennes.

[xxxi] Suite au décès de Léopold Mathieu.

[xxxii] Suite au décès de Maximilien de Croix.